Fans de pépites nocturnes et de brûlants appels à se déhancher, préparez-vous ! C'est dans une petite loge du Trianon, la salle la plus hype et chic de Pigalle, que nous avons rencontré le DJ juste avant son show. S'excusant presque de sa timidité, Flume, de son vrai nom Harley Streten, s'est confié sur la pression, la folle liste d'invités réunis sur ses nouveaux morceaux, a évoqué le concours de l'Eurovision et échangé quelques souvenirs de jeunesse. Rencontre.
Propos recueillis par Yohann Ruelle.
Ton nouvel album "Skin" sort le 27 mai. Pas trop la pression à l'approche du jour fatidique ?
Non, pour l'instant ça va ! La musique, c'est la chose la plus facile. Ce qui me rend vraiment nerveux, c'est de savoir quoi dire en interview ! (Rires) En fait je suis terrifié par l'inconnu. Par exemple là, je vais sur scène et j'ai la boule au ventre. Je me sers beaucoup de la technologie dans mes shows, donc il y a beaucoup de choses à gérer avec tous les ordinateurs... Il y a plein de raisons pour que rien ne se déroule comme prévu ! C'est ça qui me fait stresser. Mais ça va, je suis serein.
Comment es-tu tombé dans la musique?
J'ai toujours adoré ça, depuis mon enfance. Tu connais l'histoire la boîte de céréales ?
Euh... Non ?
C'est une bonne histoire ! J'aime bien la raconter. Quand j'avais 8 ou 9 ans, je faisais les courses avec mon père dans un supermarché. Et il y avait une promotion sur une boîte de céréales avec un CD dedans. C'était juste un logiciel basique, avec des sons répétés en boucle. Mais ça m'a fasciné. Je n'avais jamais réfléchi à la musique en terme de couches. J'étais sidéré de pouvoir par exemple choisir la piste vocale, la moduler... ou seulement les instruments. A partir de là, la musique est devenue un passe-temps. J'ai demandé à mon père de m'acheter un logiciel de qualité. Et c'est devenu une passion.
T'écoutais qui quand tu étais plus jeune ?
Daft Punk. J'avais emprunté l'album "Homework" à un ami, j'en étais dingue. L'électro française m'a toujours influencé, tout comme la musique dance.
Tu as suivi une formation classique où tu jouais du saxophone. Est-ce que ça apporte une couleur à ta musique ?
Le saxophone c'était bien mais je ne pouvais jouer qu'une note à la fois. Ca m'a toujours frustré ! Je ne pouvais pas tout contrôler. Ai-je précisé que j'étais un control freak ? (Rires) Donc c'est peut-être pour ça que je me suis dirigé vers l'électro... Quelque part, je me suis construit en opposition. Ceci dit, ça m'a beaucoup servi. Dans mes chansons, il y a souvent du piano et beaucoup de cordes. Avoir ce "bagage" classique m'a servi à comprendre la musique. Quand j'ai commencé à faire de la musique sur des logiciels, je savais déjà lire des notes, je savais comment se construisait une mélodie. Je connaissais la théorie. Ca m'a été très utile.
Tu as choisi ton nom de scène d'après une chanson de Bon Iver, devenu le spécialiste des chansons d'ambiance, très calme. J'ai l'impression que toi aussi tu essaies d'insuffler ce côté très relaxant à ta musique...
Complètement ! J'essaie toujours de trouver le bon équilibre entre chill et bounce. J'aime que les extrêmes se rencontrent. J'adore la dance music. J'adore aussi l'énergie de la musique hip-hop. Ce projet, Flume, me permet de mélanger les deux pour créer quelque chose de très sensoriel, quelque chose qui a une âme.
J'ai rencontré Disclosure en septembre dernier quand le nouvel album "Caracal" est sorti. Ils m'ont raconté que le succès de leur premier disque leur avait permis d'élargir leur horizon, d'aller chercher des artistes internationaux. Est-ce que toi aussi tu as ressenti le besoin d'apporter plus de diversité sur ce deuxième album ?
J'ai voulu m'impliquer davantage dans l'écriture car, oui, des portes se sont ouvertes. J'ai pu approcher des personnes que j'admirais beaucoup. Il y a beaucoup plus de vocalistes sur cet album que sur le précédent.
Comment se sont déroulées les collaborations ?
Ça a été différent pour chacun d'entre eux. Pour Vince Staples, j'adore son rap, j'adore ce qu'il fait et notamment son dernier album que j'ai écouté en boucle. Donc je l'ai contacté et je lui ai envoyé un morceau par email. Il m'a renvoyé des idées et une démo, quelque chose de très différent du morceau final. Puis on a fini par se rencontrer à Los Angeles. Il s'est passé à peu près la même chose sur "Never Be Like You". Avec Kai, on a pris contact par email pour une autre chanson, elle m'a envoyé des "Ouh" et des "Ah", des bouts de mélodie... J'ai trouvé un beat qui me plaisait, réuni tout ça et puis on s'est rencontrés à New York pour peaufiner la chanson.
On a bien compris que tu voulais garder le mystère sur l'album. Sans trop en dévoiler, peux-tu me le décrire en quelques mots ? Quel était ton état d'esprit avant de le commencer ?
J'ai eu beaucoup plus de poids sur les épaules. Parce que quand vous sortez une musique qui a du succès, vous provoquez des attentes. Je me suis mis beaucoup de pression. Sur le premier album, je n'avais pas vraiment de repère. En gros, c'était de la débrouille ! Sur celui-ci, j'avais une vraie vision artistique. Mais il y a eu des moments où j'ai eu du mal à écrire... J'étais bloqué. L'angoisse de la page blanche. Un jour, je suis arrivé en studio et je n'ai rien pu enregistrer. J'ai tout envoyé balader et j'ai pris un aller simple pour la Tasmanie ! Je me suis retrouvé tout seul en pleine nature sauvage, dans une cabane dans les bois. J'y suis resté 10 jours et j'ai écrit une chanson à laquelle je tiens particulièrement. C'était super parce que je me suis dit : "Oh mon dieu merci je sais écrire à nouveau". C'était bizarre. Donc ce deuxième album est très, très différent du premier. Je suis très content du résultat !
Tu t'es impliqué dans la conception visuelle de l'album ?
Pour "Skin", j'ai travaillé en étroite collaboration avec Jonathan Zawada, qui a réalisé la pochette de l'album et tous les artworks. Il a créé beaucoup de visuels pour le show. En fait, j'essaie de faire en sorte de travailler avec les bonnes personnes. En général, je leur dis : "Fais ce que tu as à faire. Je ne vais pas trop m'impliquer car j'aime ton travail, j'adore ce que tu fais et je veux que tu sois créatif". Après, moi je leur donne des directions, des idées sur ce qui me paraît cool mais je leur fais totalement confiance. C'est hyper agréable de collaborer avec des personnes talentueuses.
As-tu entendu parler de l'Eurovision ? L'Australie concourt pour la deuxième fois cette année.
Bien sûr ! Dami Im possède une super voix. Je l'avais adorée dans "X Factor Australia" (qu'elle a gagné, ndlr). Je ne connais pas beaucoup le concours mais j'en ai entendu beaucoup parler. Je crois que j'avais vu Sébastien Tellier lorsqu'il avait représenté la France. C'est un super artiste ! Il a un vrai univers. Et il n'y a pas une femme à barbe qui a gagné récemment ?
Si, Conchita Wurst.
C'est un sacré personnage !
Hormis Daft Punk, Y-a-t-il d'autres artistes français que tu connais ?
Ce sont principalement des artistes de la scène électronique. Air, Phoenix... En fait, j'admire la façon dont vous êtes fiers de votre culture, ici en France. Quand je viens à Paris, je suis toujours surpris de tomber sur des magasins qui vendent des instruments de musique complètement farfelus. En général aux États-Unis ou en Australie, on vend des guitares, des pianos et basta. Vous, il y a plein de gadgets.. J'ai acheté une espèce de clavier très kitsch avec du latex tout à l'heure. Il fera fureur dans mes prochains concerts ! (Rires)