Après le catastrophique film Death Note et avant de nous offrir sa version de One Piece dont le tournage devrait bientôt débuter, Netflix nous propose son adaptation en live action de Cowboy Bebop, adaptée du cultissime anime de Shin'ichirō Watanabe diffusé entre 1998 et 1999. Au programme ici ? Il s'agit d'une série en 10 épisodes qui, malheureusement pour nous, n'est absolument pas à la hauteur du matériel d'origine, malgré toutes les bonnes intentions que l'on peut ressentir à l'écran.
Créée par André Nemec (scénariste des films Mission impossible : Protocole Fantôme, Ninja Turtles) et Jeff Pinkner (scénariste des films Jumanji : Bienvenue dans la jungle, Venom).
Avec au casting : John Cho, Mustafa Shakir, Daniella Pineda, Elena Satine, Alex Hassell.
10 épisodes d'environ 50min.
Dispo sur Netflix. Intégralité de la saison mise en ligne le vendredi 19 novembre 2021.
L'histoire prend place en 2071, dans un univers où la Terre est désormais inhabitable et où l'Humanité s'est réfugiée aux quatre coins de l'espace en y colonisant de nouvelles planètes. De quoi créer un certain chaos et faire monter en puissance la criminalité. Face à cela, le métier de chasseurs de primes s'est démocratisé et de nombreux "cowboys" parcourent la galaxie afin de pourchasser les criminels. Parmi eux, on retrouve Spike Spiegel - un héros au passé énigmatique, et Jet Black - un ancien flic déchu, qui font équipe à bord du vaisseau Bebop.
Prenons le sujet à l'envers : est-ce que les personnes qui n'ont jamais vu l'anime Cowboy Bebop aimeront la série de Netflix ? Probablement. Elle offre suffisamment de choses à se mettre sous la dent pour ne pas rendre indigeste le visionnage. En revanche, il y a fort à parier que ces nouveaux spectateurs ne comprendront pas pourquoi la création de Shin'ichirō Watanabe est aussi culte dans le coeur du public et de la pop-culture.
Et pour cause, Cowboy Bebop version Netflix passe à côté de ce qu'est censé raconter l'anime. Si les créateurs semblent être de véritables fans de l'oeuvre japonaise et font tout pour lui rendre hommage en tentant de la respecter au maximum et en s'autorisant des clins d'oeil, la moindre petite nouveauté ajoutée provoque à chaque fois une sortie de route drastique et navrante. On ne rentrera pas dans les détails pour ne pas vous spoiler, mais toutes les décisions nouvelles sont incompréhensibles et sentent la Hollywoodisation à plein nez.
Que ce soit sur l'intégration trop rapide de Faye, les échanges presque robotiques entre les membres de l'équipage, la trop grande place accordée à Vicious afin d'imposer sa menace là où c'était justement son aspect mystérieux qui le rendait effrayant, ou encore l'improbable nouvelle situation familiale imposée à Jet Black qui n'apporte que des moments clichés ou bien la minimisation inexplicable de l'aspect famille recomposée au sein du vaisseau pourtant crucial dans l'anime, on a cette désagréable sensation que les créateurs sont fans d'une oeuvre qu'ils n'ont en réalité jamais été capables de comprendre.
Tout ce qui faisait le charme de l'anime ne se retrouve pas (ou peu) dans cette adaptation, qui se contente d'idées superficielles pour attirer notre sympathie (décors, génériques, mise en scène) sans jamais aller au-delà de la surface. Et encore, même dans ces moments-là, cela sonne parfois faux. Pour une série qui prend place dans l'espace, on ne mesure jamais réellement l'ampleur de ce nouveau monde avec finalement des décors basiques et fainéants, où l'on se contente de gros néons pour faire futuriste. De même, les costumes, fonds verts ou effets spéciaux sont au mieux passables, au pire vraiment cheaps. Et si la mise en scène est plutôt intéressante avec de jolis plans, on regrette que les chorégraphies lors des combats favorisent l'aspect visuel à l'efficacité, ce qui enlève toute tension.
A chaque nouveau projet du genre se pose une question : pourquoi adapter des anime / mangas quand, pour la plupart, ces oeuvres sont uniques et forment leur propre concept souvent intouchables ? Ce n'est malheureusement pas Cowboy Bebop qui y répondra de façon positive. Et l'un des exemples les plus parlants est l'épisode avec Pierrot Le Fou qui perd ici de son ampleur, de sa crédibilité et de la moindre angoisse provoquée, la faute à un format live-action qui n'est pas fait pour ce genre de récit, où la ligne entre génie et kitsch est trop fine pour être réjouissante à suivre en dehors du format animé.
Un état des lieux qui fonctionne également avec les performances des acteurs. Si Mustafa Shakir est absolument irréprochable en Jet Black, il est bien le seul à sortir du lot ici. Le pauvre Alex Hassell se retrouve à jouer une version cartoonesque de Vicious tant les évolutions apportées gâchent l'aspect magnétique du vilain, Daniella Pineda semble ne jamais savoir sur quel pied danser avec Faye avec des moments sublimes et d'autres totalement hors-sujet, tandis que John Cho - malgré ses (très) bonnes intentions, ne peut jamais masquer son âge et donc le fait que son Spike Spiegel n'est pas le Spike Spiegel de cette histoire précise et que quelque chose ne va pas. La balance entre humanisation des personnages et personnalités issues de l'animation n'est pas trouvée et crée à l'inverse un énième déséquilibre frustrant.
Effectivement, Cowboy Bebop version Netflix se regarde si on a un oeil innocent sur cet univers, mais cela ne signifie pas que cette adaptation est une réussite. Au contraire, la série passe à côté de son sujet et n'est jamais réellement capable de légitimer ses évolutions. On le sait, "adaptation" n'est pas égal à "copier/coller". En revanche, quand le résultat final en vient à oublier la substance de l'oeuvre original, cela reste dérangeant. De même, il est décevant de voir qu'un anime réalisé à la fin des années 90 apporte plus aisément cette sensation de voyage et de grandeur, ainsi qu'une vision futuriste, qu'une série des années 2020 avec un tel budget.