Habituée à la scène et après son premier premier film, C'est tout pour moi, Nawell Madani débarque dans les grosses nouveautés Netflix de la semaine avec sa propre série. Et quand on dit SA série, c'est complètement le cas puisqu'en plus de tenir le rôle principal de Fara, la comique jongle avec les casquettes de scénariste, productrice et réalisatrice pour ce premier test pour Netflix.
L'histoire de Jusqu'ici tout va bien ? Fara, une journaliste qui perce enfin après 8 ans à espérer grimper sur une sorte de vilain BFM TV. Le jour où ça arrive enfin après un coup de pression en direct, elle croit toucher du doigt son rêve. Oui mais voilà, son frère vient foutre la merde en se faisant rechercher par la police. Fara le protège d'abord malgré elle, avant de tout faire pour le couvrir, quitte à se mettre dans une vraie galère. Dedans, elle embarque ses soeurs et sa nièce et tout va exploser avec l'arrivée d'un gros dealer dans l'histoire.
Rien de très drôle sur le papier donc, mais Nawell Madani reste Nawell Madani. Entre deux dramas, quelques respirations bienvenues apportent des punchlines vraiment drôles pour faire respirer la série. Les codes du one-man/woman sont d'ailleurs respectés avec du rappel de vannes entre les épisodes. On ne tombe pas pour autant dans la grosse comédie, loin de là. Dès le premier épisode, les codes sont respectés et difficile d'abandonner. A chaque épisode, un bon twist vient relancer le truc. Au final, les 8 épisodes d'un peu plus de 30 minutes se mangent sans s'en rendre compte. Et ce format court est une vraie bonne idée qui change de la mode des épisodes interminables.
Si l'histoire coche les cases de manière un peu grillée pour choper un max d'abonnés (petite voix off façon Tokyo dans La Casa de Papel, teasers et retours en arrière, arrivée rapide de bons gros méchants, rebondissement foufou à chaque fin d'épisode...), la série tape juste à plusieurs niveaux. A commencer par ses rôles secondaires : Souhila (Kahina Carina), Yasmina (Carima Amarouche), Louiza (Aïda Guechoud), Imène (Mayane Sarah El Baze), Lina (Paola Locatelli)... Toutes portent complètement la série aux côtés de son héroïne.
TouTES, oui. Si Djebril Zonga, Vincent Rottiers ou encore Paul Hamy, Radouan Leflahi et S.Pri Noir sont loin de faire tâche et même plutôt très bons, ce sont surtout les femmes qui tiennent Jusqu'ici tout va bien. Paola Locatelli, la plus connue du grand public jeune, confirme d'ailleurs ici qu'une vraie carrière d'actrice l'attend après un premier essai discutable dans Les Liaisons dangereuses sur Netflix.
C'était justement la volonté de Nawell Madani de faire "une série de meufs", et ça se sent, sans exclure pour autant. Place ici à la sororité. Coincées dans une cité, ces femmes sont les personnages principaux de la série et comptent bien l'ouvrir et ne pas attendre les mecs pour régler leurs galères. Et c'est là l'autre point fort de la série. En suivant ces personnages féminins dans ce thriller au scénario plutôt basiquement bonhomme, Nawell Madani permet aussi aux femmes de s'identifier et de se sentir représentées. Pas en simples personnages secondaires mais en vraies meneuses de l'histoire. Un bon rappel de la vraie vie quotidienne.
Alors, oui, on ne passe pas à côté de gros clichés (BFM TV = gros média raciste qui privilégie le sensationnel avant l'info, vie dans les cités = vie pourrie sur fond de galères d'argent et de deal de drogue, flics = cowboys...) mais Jusqu'ici tout va bien apporte aussi un autre regard. C'est par exemple l'occasion de se retrouver dans le quotidien d'une famille en plein Ramadan. Ca change de Noël ou Thanksgiving. Beaucoup pourront se retrouver aussi dans leur rapport à la famille : de la mère sur le dos de son ado qui grandit aux frères qui se balancent des horreurs en passant par les potes qui passent avant tout. Mais aussi et surtout à cet amour qui prend finalement le dessus sur les galères et les engueulades.
La religion est également abordée. Plutôt prudemment mais intelligemment. Nawell Madani tente de rappeler que chacun vit sa foi à sa manière et que, dans les cités comme ailleurs, certain(es) sont ultra croyant(e)s et pratiquant(e)s, que d'autres vivent simplement leur religion à travers les traditions ou encore que certain(e)s s'en foutent complètement, voire la rejettent. Si des internautes accusaient la série d'être clichée en se basant uniquement sur le synopsis, Jusqu'ici tout va bien montre à l'inverse des réalités, ou en tout cas une des nombreuses réalités.
Vu l'accueil au moment de l'annonce de son synopsis, Jusqu'ici tout va bien risque d'avoir droit à son lot de critiques violentes et gratuites sur les réseaux. Mais à l'image du personnage de Fara qui lutte seule contre un système, ne vous laissez pas influencer et donnez sa chance à la série. D'autant que, vu la fin, une saison 2 est loin d'être impossible.