Purebreak : Depuis quand fais-tu de la musique ?
Maria Doyle : Je chante depuis que j'ai 5 ans. J'ai gagné mon tout premier concours dans un pub en Irlande tout près de chez mes grands-parents quand j'avais 5 ans. C'était 4 ans avant de devenir aveugle.
Tu es devenue aveugle à 9 ans et demi, en 6 semaines. Comment tu as vécu ça ?
On vit ça très bien, parce qu'on est enfant justement. Je pense qu'on est très fort quand on est enfant. C'est sûr que, quand ça m'est arrivé, je me suis demandée ce qu'il se passait. Les couleurs disparaissaient derrière une sorte de rideau de brouillard de plus en plus épais. J'ai une super maman qui m'a tout de suite emmenée dans un hôpital de Dublin, aux urgences. Presque tout de suite, ils ont vu qu'il y avait quelque chose de très grave. Ils ont découvert que c'était une maladie génétique qui détruisait la rétine, la maladie de Stargardt. J'ai un caractère très fort et le caractère qu'il faut pour vivre avec ça. C'était comme si j'étais une héroïne dans un film parce que dans mon cerveau, c'était comme si je voyais la personne ou l'endroit où je suis.
Comment ça se passait à l'école ?
A l'école, ce n'était pas simple. Il y avait un peu de moqueries mais ça restait des choses de gamins. A mon époque, mon école n'était pas adaptée pour les handicapés. J'ai été envoyée dans une école pour aveugles à Dublin quand j'avais 10 ans parce que c'était le seul endroit pour les enfants aveugles. C'était un internat et je n'aimais pas du tout. Je ne voulais pas devenir opératrice téléphonique – c'était le seul métier que pouvait espérer une jeune fille aveugle –, je voulais déjà chanter, alors j'ai fugué. J'ai traversé toute l'Irlande à pied pour rentrer chez moi et retrouver ma famille.
Chanter me permettait d'oublier cette tristesse qui s'était installée après la mort de ma petite soeur de 2 ans
Que t'a apportée la musique quand tu es devenue aveugle ?
Déjà, je chantais tout le temps. Un an avant de devenir aveugle, j'ai perdu ma petite soeur de 2 ans qui est morte dans les bras de maman et notre foyer a sombré dans un chaos terrible. Tous les soirs je chantais, ça me faisait du bien de chanter et d'oublier cette tristesse qui s'était installée. Quand je suis devenue aveugle un an après, ça me donnait la force de tout oublier, d'aller dans un autre monde. Quand je regardais les étoiles, je chantais et je me disais "un jour Maria, tu vas devenir l'une de ces petites étoiles". C'était vraiment comme un rêve. Je me disais que j'étais née pour une raison. Je suis aveugle mais je chante et, un jour, je vais briller comme une petite étoile.
Tu as représenté l'Irlande à l'Eurovision en 1985, qu'est-ce que cette expérience t'a apportée ?
Je ne disais pas du tout que j'étais aveugle, personne ne le savait. Quand tu me vois à l'Eurovision, je ne parlais pas du tout de mon handicap. Je ne voulais pas que les gens disent " oh elle est là parce qu'elle est aveugle ". Je voulais qu'aucun article ne parle de mon handicap, c'était un gros mot. A l'époque, quand on était aveugle ou sourd, on était stupide. Malheureusement, même maintenant, j'ai eu beaucoup de messages positifs, sublimes mais il y a quand même certains messages qui disent "encore une qui joue avec son handicap". Mais voilà, j'ai chanté avec tout mon coeur, c'était le 4 mai 1985 et c'était fabuleux de pouvoir représenter mon pays. Mais j'ai l'impression de vivre les mêmes expériences là actuellement, 30 ans plus tard.
Qu'est-ce qui t'a poussée à participer à The Voice aujourd'hui ?
C'est mon rêve depuis toute petite ! Je ne peux pas abandonner, je suis une vraie battante. Si j'étais née boxeur, je serais encore dans le ring. Je n'ai jamais abandonné ce rêve de devenir cette petite étoile. Je suis venue en France, personne ne me connaissait. J'étais enceinte, on venait de se marier avec mon mari, je ne parlais pas un mot de français et je me suis dit que j'allais faire exactement ce que j'ai fait en Irlande. Aujourd'hui, je suis sur la scène de The Voice. Je crois qu'il y a un petit ange gardien là haut et que je suis née pour chanter, pour montrer que tout est possible.
Tu n'as pas peur d'affronter de jeunes talents ?
Bien sûr parce que je peux être la maman de tous les talents. Amaury a deux ans de plus que mon fils aîné, Cheyenne a le même âge que mes jumelles. Donc bien sûr que ça me fait peur parce que je n'ai pas une voix qui crie, je ne chante pas avec mes cordes vocales mais avec mon coeur. Je ne peux pas chanter sans mon coeur. Il faut que ça vienne de l'intérieur, que je touche le public.
Comment as-tu réagi en apprenant que tu allais chanter non pas face à une mais face à 2 personnes, Amaury et Cheyenne ?
Ohlala, j'ai failli tomber. Quand Lara nous annonce qu'on est dans une équipe de 13, je ne pensais pas du tout qu'il y aurait une équipe de 3. Il n'y a qu'une seule place. Ce n'est pas que j'ai pas beaucoup de chance mais une sur deux c'est déjà pas mal, alors une sur trois, là les enfants m'ont dit que ça allait être dur.
C'était comme si j'étais KO, comme les boxeurs, j'avais l'impression que tout était fini
Quelle a été ta réaction quand Lara a décidé de garder Cheyenne ?
Quand j'ai chanté You raise me up, j'adore cette chanson, j'avais bien senti que j'avais vraiment fait de mon mieux, le public était là, tout était beau et là j'ai compris. Cheyenne a la voix moderne, actuelle, cette voix qui porte, qui est très forte, qui donne des frissons. Donc je n'étais pas surprise mais quand Lara a dit Cheyenne, j'étais dans le ring, c'était comme si j'étais KO, comme les boxeurs, j'avais l'impression que tout était fini. La première chose à laquelle j'ai pensé, c'était à mes enfants, je me demandais ce que j'allais leur dire. J'étais KO, je n'entendais plus rien, j 'étais en dehors de tout ce qu'il se passait pendant quelques secondes. Je ne sais même plus si je l'ai prise dans mes bras pour la féliciter. On devait quitter la scène et quand Amaury m'a pris par le bras, j'avais l'impression que mon rêve était fini. C'était dur.
Finalement, elle a demandé à sauver un deuxième talent...
Pour moi, c'était fini, je pars. Et là j'entends "je veux changer les règles" et je revis. L'espoir remonte mais on est toujours 2 alors je me demande si je vais passer à la trappe une deuxième fois. C'est dur. Mon coeur bat très très fort. J'ai commencé à prier très fort. C'est inimaginable, elle change les règles, la production accepte, et là c'est juste incroyable, c'est une explosion d'émotion. Même là en en parlant, j'ai les larmes aux yeux. C'était vraiment un moment de joie immense.
On a l'impression qu'une sorte de connexion forte s'est créée entre Lara Fabian et toi...
C'est difficile à expliquer. Depuis le premier jour, quand je l'ai prise dans mes bras après les auditions à l'aveugle, pour moi c'était pas mon coach, c'était comme si je la connaissais d'avant. Quand elle m'a sauvée, c'était exceptionnel. Elle a pris ce risque et c'est tout à son honneur. Je l'ai choisie comme coach parce qu'il n'y a qu'elle qui aurait pu prendre ce risque pour moi.
Propos recueillis par Marion Poulle. Contenu exclusif. Ne pas reproduire sans citer PureBreak.com.