C'est l'histoire d'une jeune femme qui, un jour, accepte de coucher contre de l'argent. Elle va réitérer la chose plusieurs fois dans des chambres d'hôtel. Celle dont l'on questionne la morale va explorer sa sexualité, entre insouciance, douleur et spleen intense. Ca, c'est le pitch, hautement polémique, de Jeune et jolie.
>> Ce film qui dérange tellement l'Eglise qu'il a vu sa sortie menacée (il a même été tourné en secret) <<
L'un des films les plus sulfureux du grand François Ozon (Huit femmes, Dans la maison, Mon crime) vient enfin de débarquer sur Netflix ce 1er août aux côtés d'autres oeuvres du cinéaste, comme l'élégant Frantz, avec Pierre Niney. L'occasion de (re)découvrir un portrait de femme qui a beaucoup fait parler de lui. Pourquoi ?
Simple : on a accusé François Ozon d'irresponsabilité, de sexisme, de misogynie... Pour beaucoup, ce film au nom ironique de magazine féminin serait carrément une glamourisation insensée de la prostitution.
Les critiques dont a fait l'objet Jeune et jolie sont légitimes tant le sujet est touchy, et son traitement encore plus. Surtout que, bien qu'intensément queer, le cinéma d'Ozon n'est jamais dépourvu de "regard masculin" ou "male gaze", ce point de vue largement exploré par Iris Brey dans son essai Le regard féminin, et qui désigne la manière dont les réalisateurs sexualisent systématiquement le corps de leurs actrices, y apposent leurs désirs, leurs fantasmes hétéronormés. Quitte à virer dans le cliché libidineux... ou la fantaisie pure !
>> François Ozon (Cannes 2013) "Palme d'or du connard" pour les Femen <<
Pour certains, Jeune et jolie n'échapperait clairement pas à la règle. Chambres d'hôtel de luxe, draps de soie, image léchée, élégance appuyée par une sublime bande originale alignant les meilleures chansons de Françoise Hardy... Le sens du "chic" indiscutable du réalisateur serait complètement "hors sol" par rapport à la thématique bien moins "sexy" s'il en est de la prostitution. Des reproches qui ne datent pas d'hier. Un giga hit du cinéma américain comme Pretty Woman a toujours été, lui aussi, accusé de glamouriser le travail du sexe !
Les propos d'Ozon à sa sortie ne vont rien arranger. Doux euphémisme ! Dans la presse américaine, l'auteur déclare effectivement : "c'est un fantasme de beaucoup de femmes de se prostituer". Il récoltera les critiques de la sénatrice socialiste Laurence Rossignol ("Toutes des putes-au moins dans leur tête. Mr Ozon, pourriez vous assumer vos fantasmes et ne pas nous les attribuer ?") et une jolie punchline signée par le collectif féministe des Femen : "On remet la Palme d'or du connard 2013 à François Ozon". Et vlan !
Pourtant, comme les meilleurs films du réalisateur, Jeune et jolie met avant tout à l'honneur une protagoniste complexe, en quête d'identité. Une recherche qui ne sera pas dépourvue d'ambivalences, de tabous, de malaise, d'introspection. On ne quitte jamais cette femme, son regard, sa sensibilité, ses sentiments contradictoires, et même les chansons les plus mélancoliques semblent émaner de son esprit.
A travers elle surtout, on découvre une fabuleuse actrice, Marine Vacth, dont c'est alors le premier grand rôle, et qui ne cessera de nous fasciner les dix années suivant la sortie de ce film si scandaleux. Scandale bien mérité ? On te laisse te faire ton avis en foncant sur Netflix.