Pas facile de faire du neuf avec un personnage créé en 1897 et maintes fois porté à l'écran depuis plus de 100 ans. Et pourtant, le réalisateur de l'excellent Upgrade s'en sort à merveille.
Leigh Whannell signe un film particulièrement flippant qui part de ce postulat : que se passerait-il si un psychopathe avait le pouvoir de devenir invisible ? En prenant son temps pour instaurer la peur, en n'utilisant les SFX avec parcimonie et en s'appuyant sur une excellente comédienne (Elizabeth Moss) pour le rôle principal de son thriller horrifique, le réalisateur d'Insidious 3 fait monter la tension progressivement jusqu'à un final aussi efficace que jouissif. Non content de nous faire stresser pendant plus de 2 heures, le film réussit également le tour de force de pointer du doigt un comportement toxique encore trop peu dénoncé au cinéma. Une réinvention intelligente, aussi flippante que nécessaire.
Il y a 20 ans, Paul Verhoeven signait l'excellent Hollow Man, L'Homme sans Ombre. Véritable tour de force technique pour l'époque, le film demeurait finalement assez fidèle au roman originel d'H.G. Wells, puisqu'on y suivait un scientifique qui sombrait progressivement dans la folie mégalomaniaque et meurtrière après être devenu invisible. Dans Invisible Man, l'homme invisible ne devient pas soudainement cinglé : il l'était bien avant de faire usage de son pouvoir.
Le film produit par Jason Blum (Get Out, Paranormal Activity) démarre immédiatement sur une scène de flippe : Cecilia (Elizabeth Moss), en couple avec un riche scientifique qui la maltraite et la manipule (Oliver Jackson-Cohen, le toxico de The Haunting of Hill House), s'enfuit en pleine nuit de la luxueuse villa d'où elle était presque prisonnière.
Réfugiée chez des amis et encore sévèrement traumatisée par cette relation toxique, elle apprend quelques jours plus tard le suicide de son ex, qui lui lègue une grosse somme d'argent. Alors que Cecilia commence à peine à se reconstruire, des événements troublants et flippants vont se produire autour d'elle, la poussant à douter de sa propre lucidité, tandis que ses proches la croient folle...
Les productions Blumhouse se suivent et ne se ressemblent pas. Tandis que certaines se contentent d'user et d'abuser de jumpscares pour nous arracher quelques rares sursauts, Invisible Man nous fait monter progressivement le trouillomètre jusqu'à ce qu'on en vienne à agripper les accoudoirs de notre fauteuil.
Impeccablement mis en scène, Invisible Man est également très intelligemment écrit. Bien qu'on connaisse le titre du film, sa première moitié nous ferait presque douter : Cécilia est-elle folle ? Adrian, son ex, est-il réellement devenu invisible ? N'aurait-on pas affaire à un revenant ? Des questions qui contribuent à faire monter notre intérêt... et la tension.
Mais bien qu'il s'agisse d'un excellent film d'horreur, on aurait tort de réduire Invisible Man à ce statut. C'est bien plus que ça, et c'est bien souvent de là que provient la force des films d'horreur qui ont marqué l'histoire. Plus qu'un thriller diaboliquement efficace, cet Invisible Man est un film qui dénonce les violences faites aux femmes.
L'Homme Invisible, ici, c'est tous ces hommes violents qui passent entre les mailles du filets. Ces types qui cognent impunément, comme si les voisins, la société, l'entourage, les autorités ne les voyaient pas. L'héroïne, c'est ces milliers de femmes, qui tentent désespérément de se protéger, d'alerter, d'appeler à l'aide et qu'on n'entend pas, ou qu'on ne croit pas.
Rusé, palpitant et brillamment conscient de son époque, Invisible Man nous terrifie avec un monstre bien plus terrifiant qu'il n'y paraît. On n'avait plus peur de l'Homme Invisible depuis très longtemps, et après ce film... on le voit partout.
Critique par Pierre Champleboux de FilmsActu.