Kaiju n°8, ça raconte quoi ? Au Japon, les apparitions des Kaiju font désormais partie du quotidien. A la suite de nombreux échecs pour intégrer les Forces de Défense chargées de combattre ces créatures, Kafka Hibino, 30 ans, se contente alors de nettoyer les rues de leurs encombrants cadavres. Sa vie change finalement le jour où une étrange créature s'introduit dans son organisme, lui permettant de se métamorphoser en une entité surpuissante mi-humaine, mi-Kaiju. De quoi lui permettre de pouvoir enfin sauver le monde ? Oui, mais ça s'annonce compliqué.
Généralement, les histoires à base de Kaiju - ces monstres géants façon Godzilla, divisent le public avec d'un côté les fans du genre et de l'autre ceux qui se lassent rapidement de voir le spectaculaire et l'action explosive prendre le pas sur l'intrigue. Dans Kaiju n°8 (publié par Kazé, déjà derrière Mashle, autre manga fort de 2021), Naoya Matsumoto arrive miraculeusement à aller au-delà de ces contraintes.
Ainsi, la présence de ces terribles créatures dans ce monde n'est qu'un point de départ à une histoire bien plus importante et développée. Ici, le but n'est pas de suivre d'innombrables affrontements tous plus épiques les uns que les autres entre humains et Kaiju, mais bien de découvrir la vie de l'humanité dans un univers si particulier et les conséquences de celui-ci sur les héros. C'est ce qui permet au manga d'avoir du coeur et une réelle consistance avec des choses inédites à proposer et des propos intéressants. On a l'impression d'assister à l'envers du décor d'un film de Godzilla et ce changement de point de vue est très appréciable.
A ce sujet, si Kaiju n°8 est aussi efficace, c'est parce que Naoya Matsumoto arrive à imaginer des héros qui nous semblent réels. Bien évidemment, on n'échappe pas à des personnages clichés ou à des backstory déjà vues ailleurs (des personnages qui se lancent dans une mission après avoir subi un drame, c'est ultra classique et balisé), mais la mangaka insuffle une vraie vie à ces humains qui ne sonnent jamais comme des figurants ou pions interchangeables malgré les dangers. Un point commun avec ce qu'était capable de faire Hajime Isayama sur le manga L'Attaque des Titans qui a pris fin cette année.
Et le meilleur exemple n'est autre que Kafka Hibino, le personnage central de cette histoire. En un seul chapitre, elle arrive à nous attacher et familiariser à cet anti-héros génial qui apparait comme un Mr. Tout-le-monde idéal. Il n'est pas difficile de se glisser dans sa peau et de le comprendre (on s'imagine tous à sa place), et donc de vibrer au moindre de ses agissements. Ca n'est pas révolutionnaire comme écriture, mais son exécution est maîtrisée ce qui apporte une lecture agréable.
Les personnages vivent peut-être dans un monde terrible où la mort rode en permanence, mais Kaiju n°8 est au final extrêmement léger. Rien qu'avec l'idée de retourner cet univers en s'intéressant en premier lieu à l'autre bout de la chaîne (suivre les aventures des équipes qui nettoient les cadavres de monstres, c'est du génie), Naoya Matsumoto instaure une ambiance nouvelle et un humour détonnant.
Bien évidemment, avec l'évolution de Kafka Hibino, le point de vue évolue également, mais la mangaka ne perd jamais le fil et sait toujours comment faire rire à travers son héros, ses actions et l'improbabilité de ce monde chaotique. A cet effet, on rigole vraiment devant certaines cases bien construites, là où d'autres mangas qui tentent la carte humour se contentent de nous faire souffler du nez.
On ne sait pas encore si Kaiju n°8 restera aussi fort sur la durée ou tombera dans une répétition dommageable, mais pour un début, le manga démarre puissamment. Vivement la suite.