On vous en parlait déjà il y a quelques semaines, Fair Play, c'est la toute nouvelle fiction érotique torride de Netflix, à découvrir sur la plateforme de streaming le 13 octobre prochain. On y suit la relation sulfureuse entre deux collègues de bureau (Alden Ehrenreich et Phoebe Dynevor), intrigue à base de corps à corps fougueux, de manipulations, de tensions aussi psychologiques que physiques. Miam.
Et bien sûr, à base... de sexe. Et pas n'importe comment. Ainsi le magazine Rolling Stone se réjouit-il d'une séquence en particulier, qui introduit le film : une embrassade intime dans une salle de bains alors que la protagoniste a ses règles. "Sa robe crème est inévitablement sale", relate la revue, et l'on voit clairement du sang, mais le couple "préfère en rire" ouvertement, loin de dramatiser la chose. Bien au contraire même.
Une séquence bien moins anodine qu'elle n'y paraît en vérité. Car on n'a pas l'habitude de voir ça à l'écran, même à l'heure de séries comme Sex Education. Et c'est bien dommage. Pourquoi ?
Les raisons dépassent de très loin la fiction...
En proposant une scène de "menstrues" étroitement liée au sexe, Fair Play, récit érotique remarqué - il est passé par le prestigieux Festival du film indépendant de Sundance avant d'être racheté par Netflix pour la modique somme de 20 millions de dollars - s'attaque à un gros, à un très gros tabou.
Parler de sexe et de règles, c'est rare, car parler de règles... c'est rare tout court. Il y a deux ans encore, un sondage réalisé par OpinionWay nous révélait à ce propos que plus d'une personne sur deux (55 %) juge "inapproprié" de parler des règles en public. Un tiers des sondées ne parlent jamais des règles tout court. Ou quand menstruations s'avère synonyme de stigmatisations : honte, culpabilité, gêne, dégoût... n'en jetez plus.
Comme l'explore Elise Thiébaut dans son super livre Les règles, quelle aventure !, les menstruations sont depuis longtemps sources de mythes et de croyances qui les diabolisent, condamnées dans certains pays, constamment ramenées à l'idée de "saleté". 9 % des femmes jugent encore les règles "dégoûtantes", comme l'énonce le sondage cité plus haut. Sacré taf donc d'en rire, comme le fait le binôme de Fair Play !
Surtout que ce n'est pas si courant dans le septième art. Comme le rappelle Rolling Stone, certains films "sont encore coupables de sensationnalisme" ou de consolider "la stigmatisation associée aux menstruations". On se rappelle de la mythique scène d'introduction du Carrie de Brian De Palma, adapté de Stephen King, où la découverte des règles par la jeune ado prend la forme d'une véritable séquence horrifique... Un traumatisme.
Une scène culte qui en dit long sur une réalité qui s'exprime au-delà des écrans : dans un système patriarcal, les règles sont bien trop souvent perçues comme un film gore. Et on ne parle même pas du combo interdit sexe et règles. Et si plus de fictions venaient briser cet énorme préjugé ?
Et si cela passe par Netflix, c'est encore mieux : une plateforme à destination du grand public. Idéal pour sensibiliser. Car comme l'énonce le directeur général de l'ONG CARE France, Philippe Lévêque, responsable d'une campagne de sensibilisation justement dédiée au sujet : "Il faut informer pour briser le tabou ! Les premières règles sont trop souvent quelque chose d'effrayant pour les filles".
"Beaucoup n'ont aucune idée de ce phénomène naturel car les mères n'osent pas en parler. Elles sont horrifiées par ce sang qui coule de leur corps et certaines pensent qu'elles sont en train de mourir. En Iran, par exemple 48% des jeunes filles pensent que les règles sont une maladie".
Le fait d'associer les règles à quelque chose de "sale" ou de dangereux ne rend évidemment que plus tabou le sujet du sexe pendant les règles. Raison de plus pour montrer les choses, non ?