En 2022, Netflix a annulé 25 programmes différents. Sur ces 25 programmes, 20 étaient des séries avec une ou deux saisons seulement au compteur et des histoires loin d'être terminées. Des annulations précoces particulièrement frustrantes pour les créateurs, mais également pour les fans qui n'auront donc jamais la possibilité de connaître la fin des aventures de leurs personnages préférés. Parmi elles, on retrouve notamment Warrior Nun, The Midnight Club ou encore First Kill.
Et alors que les internautes se mobilisent régulièrement pour motiver Netflix à changer d'avis et convaincre la plateforme de streaming qu'ils sont suffisamment nombreux à suivre et aimer ces séries concernées par les annulations, les dirigeants du site ne semblent pas prêter attention à ces mouvements qui envahissent les réseaux sociaux.
Au détour d'une interview, le site Bloomberg a récemment fait remarquer à Ted Sarandos (co-CEO) qu'il y avait de plus en plus de colère de la part du public vis-à-vis des fins prématurées de certaines séries. Réponse de l'intéressé ? "Nous n'avons jamais annulé une série à succès. Beaucoup de ces séries étaient bien pensées, mais ne parlaient qu'à une audience vraiment minime pour des budgets très gros".
Autrement dit, qu'importe ce que pensent les fans sur les réseaux sociaux, les fictions arrêtées n'avaient pas le potentiel pour aller plus loin car elles n'étaient pas suffisamment suivies. Une remarque quelque peu déplacée quand on sait que la plateforme sort tellement de contenus par semaine qu'elle n'est même pas capable d'assurer la promotion de toutes ses créations (combien de fois avons-nous découvert une série par hasard ?).
De même, il est important de rappeler qu'avec son mode de diffusion où chaque saison sort d'un seul coup, il est parfois difficile de trouver le temps de tout regarder à la sortie. Or, là où certains abonnés de Netflix décident logiquement d'attendre d'avoir du temps libre pour se mettre devant une série, les dirigeants considèrent que c'est un flop s'ils ne cliquent pas immédiatement dessus. Pour la petite anecdote : ce sont 2024 programmes (scriptés et non scriptés) qui ont été diffusées rien qu'aux USA en 2022 à travers toutes les chaînes télé et plateformes du pays. Bonne chance pour réussir à tout regarder tout de suite...
Une vision d'un succès qui parait donc faussé (il se murmure que les décisions seraient également prises en fonction du pourcentage de personnes qui, après avoir lancé une série, vont au bout de sa saison. Néanmoins, on en revient au même problème de temps disponible des fans qui vont à leur rythme), qui est visiblement portée par une stratégie créative inquiétante.
Ted Sarandos a en effet assuré qu'il n'était pas contre donner vie à des projets pour des cibles plus restreintes, mais qu'il ne souhaitait en revanche pas sortir le chéquier pour ça : "Le but est de pouvoir parler à une audience plus petite avec un plus petit budget et à une audience plus grande avec un plus grand budget. Si vous faites ça correctement, vous pouvez continuer longtemps". Traduction : on veut bien produire vos séries, mais il ne faudra pas vous plaindre ensuite si c'est cheap, moche et bâclé car on a plus important à gérer ailleurs.
Un état d'esprit qui ne devrait clairement pas réconcilier Netflix avec une partie du public (ce qui n'est peut-être pas la stratégie la plus intelligente quand on sait que le site a récemment perdu des abonnés...), et une mauvaise foi qui se retrouve dans de nombreux autres sujets. Interpellé notamment par Bloomberg sur le fait qu'il était plus compliqué aujourd'hui de trouver quoi regarder sur Netflix tellement il y a de contenus mélangés et de départs discrets au sein du catalogue, Ted Sarandos a préféré ironiser sur la situation.
"Ce meme de 'Je ne trouve rien sur Netflix' franchement... Des centaines et des centaines de stars qui n'avaient pas de carrière avant Netflix en ont une aujourd'hui parce qu'elles ont été découvertes sur Netflix", a-t-il balancé. Quand l'ego répond à la place de la mesure, ce n'est jamais bon signe...