Si on vous dit "péplums", il y a de fortes chances que vous pensiez à des films de quatre heures sur des mecs en jupettes sortis il y a un demi-siècle. Et si le début des années 2000 a redonné un gros coup de boost au genre, du grand écran (Gladiator, Alexandre) au petit (les séries Rome et Spartacus), force est de constater qu'aujourd'hui, les gens semblent plus hypés par Marvel que par les gladiateurs ou les rois antiques.
C'est dire si Netflix a retenu notre attention en annonçant son futur gros projet : produire une nouvelle version de Cléopâtre, figure mythique s'il en est. La reine d'Egypte a déjà eu droit à mille incarnations, de la grande diva Elizabeth Taylor à Monica Bellucci , en passant par Marion Cotillard (vraiment, désolé de le rappeler). Du côté de la plateforme, elle sera donc au coeur d'une série documentaire relatant sa vie, son oeuvre, ses excès.
Oui mais voilà : malgré sa mise en ligne seulement prévue pour le 10 mai prochain, le Queen Cleopatra de Netflix fait déjà scandale. Mais pourquoi ?
C'est simple : dans cette série documentaire en plusieurs épisodes, Cléopâtre sera interprétée par Adele James, une actrice noire. Un choix conscient de la productrice, qui n'est ni plus ni moins que Jada Pinkett Smith. De quoi relancer toutes les polémiques autour de l'apparence de la Reine : alors que certains internautes accusent Netflix de vouloir réécrire l'Histoire, d'autres brandissent les mots "woke" ou "wokisme" comme si c'était l'insulte ultime. Ambiance.
Le bête bad buzz du moment ? Pas seulement. Car la couleur de peau de Cléopâtre, et surtout sa représentation à l'écran, c'est un débat presque aussi vieux que la principale concernée. Historiens et égyptologues se prennent le chou à ce sujet depuis des décennies. Un documentaire de la BBC insiste par exemple sur le fait que des études scientifiques sur la forme du crâne (reconstitué) de la Reine "indiquent une lignée africaine".
Et alors que beaucoup théorisent sur une "Black Cleopatra", des experts tapent du poing sur le table et rappellent ses origines macédoniennes. Mais pendant ce temps, une équipe de scientifiques de la prestigieuse Université de Cambridge, reconstitution en images de synthèse à l'appui (un an de recherches pour en arriver là), suggère à l'inverse que le visage de Cléopâtre était celui... d'une jeune femme métisse. Comme Adele James, donc. Celle-ci s'est d'ailleurs dite fière de voir "le plus grand leader de tous les temps être incarnée par une métisse".
Il y a deux ans encore, l'annonce d'une ambitieuse prod hollywoodienne dédiée à la Reine avait déjà suscité les passions. Mise en scène par la cinéaste Patty Jenkins, cette version devait mettre en scène dans le rôle-titre Wonder Woman en personne : Gal Gadot. Mais ce projet avait été accusé de "white-washing", autrement dit, de "blanchir" des personnages qui ne le sont pas à l'origine - comme lorsque Scarlett Johansson donne son apparence au cyborg Motoko Kusanagi dans l'adaptation live du manga japonais Ghost in the Shell.
La discorde ne date pas d'aujourd'hui donc. Mais en vérité, tout cela nous rappelle surtout un truc : l'accueil sanglant sur les réseaux des premières images de La petite sirène, la version "live action" (en prises de vue réelles) du classique Disney. Le choix de caster l'actrice afro-américaine Halle Bailey dans le rôle-titre avait fait intensément rager, sous prétexte que celle-ci s'éloigne plutôt de la Ariel d'origine - qui était blanche aux cheveux roux.
Comme quoi, de Cléopâtre à Disney, il n'y a vraiment qu'un pas.
Clément Arbrun