Connaissez-vous Matthew Lawrence ? Vous n'êtes pas obligé de répondre "oui" par politesse. C'est clair, Matthew Lawrence est moins famous (chez nous en tout cas) que Macaulay "Kevin McCalister" Culkin, Mara Wilson, la star de Matilda (devenue depuis une icône bi et féministe) ou même Jonathan Lipnicki - si si, le gosse au choix génial ou détestable de Jerry Maguire et Le petit vampire. Et pourtant, comme tous ces noms, Matthew Lawrence fut un enfant-star dans le Hollywood des années 90.
Preuve en est, on se souvient notamment de lui pour Madame Doubtfire - il y joue Chris, le fils de Robin Williams. Après une carrière marquée par les shows télés (Incorrigible Cory, Salut les frangins) c'est à travers son podcast Brotherly Love que l'acteur désormais âgé de 43 ans fait entendre sa voix. Et il a beaucoup, beaucoup de choses à dire. Des choses pas toujours super agréables à écouter d'ailleurs. Tant mieux.
Car c'est dans le sillage de la révolution féministe #MeToo que s'inscrit désormais Matthew Lawrence. Dans son dernier podcast, il dénonce des agissements qui pourraient être en lien avec un très célèbre studio.
Un réalisateur aurait effectivement exigé de l'acteur qu'il se déshabille dans une chambre d'hôtel. En acceptant, il aurait une chance "d'être dans le prochain Marvel". Le cinéaste, dont le nom n'a pas été dévoilé, se serait présenté en robe de chambre. Et aurait proposé à l'acteur de prendre des photos intimes. Evidemment, l'ex enfant-star a refusé. Résultats ? Selon ses dires, il aurait été carrément renvoyé de son agence...
Un récit qui nous glace le sang. Au micro, Matthew Lawrence ne résume pas cette situation dérangeante à souhait à son propre cas perso, non, il cherche à nous sensibiliser à un problème qui le dépasse de très loin : pourquoi les hommes ont-ils tant de mal à dénoncer les abus, notamment sexuels ?
Une longue et très douloureuse question. Plus encore même : un vrai tabou.
C'est Matthew Lawrence qui l'affirme le premier dans son podcast, relate le Hollywood Reporter : "Il n'y a pas beaucoup d'hommes qui se sont manifestés depuis le début du mouvement #MeToo. Peu d'hommes ont parlé de ces choses dans l'industrie. Peut être que notre société est moins disposée à entendre parler de ce que vivent les hommes ?".
Pas question bien sûr de mettre de côté la parole des femmes : l'acteur considère d'ailleurs que #MeToo est "une très bonne chose", et que les femmes souffrent de "trois fois plus" de violences. Seulement voilà, les faits sont là : combien de mecs se sont tus depuis 2017 ? Et parmi eux, combien de mecs victimes ?
De ce côté-là, les noms célèbres ne sont pas légion. On pense à Brendan Fraser, la star de La momie, Oscarisé pour son grand retour dans The Whale. En 2018, l'acteur affirmait au magazine GQ avoir été agressé sexuellement par l'ancien président de la Hollywood Foreign Press Association (l'organisatrice des Golden Globes), Philip Berk. Des faits qui se seraient déroulés au Beverly Hills Hotel à l'été 2003.
Un autre nom nous vient spontanément à l'esprit, celui de Terry Crews. L'icône de Brooklyn Nine Nine témoignait en 2017 de l'agression sexuelle dont il aurait été victime, commise par "un prédateur puissant et très influent". Mais à part eux ? Ce n'est pas qu'il n'y a pas de victimes, c'est qu'elles n'osent pas parler.
O surprise, le pourquoi du comment serait à chercher du côté des stéréotypes de genre qui façonnent notre société : cette façon que l'on a d'opposer systématiquement mecs et fragilité, de fredonner "boys don't cry" ("les garçons ne pleurent pas") depuis des années et de réprimer ses émotions quand on est un homme, un vrai.
C'est aussi pour cela que le viol, quand il meurtrit les mecs, est indissociable des blagues potaches "de taulards" (la fameuse image de la savonnette dans les douches, banalisée dans plein de films) : on ne considère pas cela comme un vrai sujet. Peut être car les humiliations entachent le culte des "vrais bonhommes" bien virils : ceux qui dominent. Pourtant, c'est précisément cette violence masculine dont souffrent les victimes... Masculines. L'une des raisons pour lesquelles la lutte féministe concerne aussi bien les hommes que les femmes.
Et cela n'est pas qu'une réflexion "de niche", loin de là. En 2019 déjà, deux ans après l'explosion de "l'affaire Weinstein", le très mainstream journal américain USA Today l'affirmait noir sur blanc : "Pour les hommes survivants d'agressions sexuelles, #MeToo peut aider à changer la culture du silence. Nous avons encore trop rarement parlé de consentement, d'agression et de violences sexuelles. Beaucoup d'amis font des blagues et ignorent l'importance des traumas. Il y a même cette croyance erronée selon laquelle les hommes ne peuvent pas être agressés sexuellement. C'est la masculinité toxique qui encourage ça".
C'est un peu tout cela que suggère Matthew Lawrence lorsqu'il déplore que la société est "moins disposée à entendre" les hommes. L'acteur de Madame Doubtfire nous rappelle ainsi que la "libération de la parole" (cette expression qui revient à chaque témoignage) n'est rien sans... La libération de l'écoute. Mais pour ça, il faut sérieusement chambouler nos préjugés, et toutes les beauferies qui vont avec. Il y a du taf.