"Le rap, il a changé", aiment ironiser les auditeurs en détournant la fameuse punchline de Kylian Mbappé. Mais s'il y a un truc qui ne change pas, c'est les réactions bien primaires sur les tenues ou le physique des meufs. D'autant plus nombreuses quand toute une lumière médiatique est projetée sur la personne concernée.
Alors forcément, une star du rap comme Shay, de nouveau jurée dans cette saison 2 de Nouvelle Ecole, ne pouvait pas y échapper. Il a suffit que la rappeuse se présente dans le quatrième épisode du programme Netflix vêtue d'une chemise décolletée pour que les tweets abondent ces derniers jours afin de souligner plus ou moins subtilement la transparence de la tenue. Davantage "moins" que plus, tu le devines.
"Wesh elle est trop à l'aise, non ?", "J'essaye de garder les yeux hauts mais Netfllix, ils ont laissé ça ?", "On se demande pourquoi certains oublient leur texte". Voilà pour le florilège. On t'épargne volontairement les pires commentaires, t'as capté l'état d'esprit. Il faut dire qu'il y a comme un point commun entre tous ces tweets. Pour ce qui est de considérer à sa juste valeur une rappeuse en 2023, par contre, c'est pas vraiment ça.
On le devine, cette ambiance en mode vestiaire de foot un vendredi soir n'a pas vraiment de quoi charmer la principale concernée, qui n'est pas du genre à laisser les mecs guider ses choix de fringues, son attitude, ses propos. Dans les pages de 20 Minutes au moment de la sortie de "Antidote" (2019), elle balançait déjà : "C'est hors de question que je mette un survêt' et une casquette à l'envers parce que je fais du rap".
"J'ai un problème avec tout ce qu'on refuse à une femme, mais qu'on ne refuse pas à un homme. Et aussi avec tout ce tabou autour de la nudité de la femme. Pourquoi une femme nue est forcément un objet sexuel ? Le corps de la femme n'est pas un objet sexuel", taclait encore l'artiste Belge. Ou comment mettre son art de la punchline au service de la lutte féministe.
En fait, Shay ne se contente pas seulement de tacler les porcs en disant ça, elle interroge aussi entre les lignes la manière dont sont fatalement perçus les corps des femmes dans le rap. As-tu déjà remarqué qu'un rappeur qui s'affiche torse-nu en mode 50 Cent ou Booba reçoit naturellement lauriers et admiration ? On en fait presque une source d'inspiration virile, un modèle gangsta et street cred. A l'inverse, on imagine mal une rappeuse générer les mêmes réactions dans la même situation. Ou alors, elle serait clairement qualifiée de Femen. C'est ça, le fameux "tabou de la nudité de la femme" qu'épingle Shay.
Dans le rap, c'est hyper présent. Si les clips ont souvent été critiqués pour leur sur-sexualisation du corps des femmes, qui seraient perçues comme des objets à grands coups de poses lascives, on pourrait à l'inverse se demander pourquoi les meufs qui assument à fond leur sexualité et en jouent dans leurs vidéos (de Nicki Minaj à Megan Thee Stallion en passant par Cardi B) éveillent trop souvent la misogynie la plus crasse.
>> Nouvelle Ecole : une battle part en vrille... Des propos racistes coupés au montage ? <<
Ce que font ces artistes-là, c'est aussi se réapproprier leur sexualité, qui a bien trop souvent été fantasmée par des rappeurs masculins dans des vidéos uniquement pensées par des mecs. Et en faire une force. Qu'importe alors si les internautes les qualifient de bien des noms qu'on ne leur fera pas l'honneur de t'énumérer ici.
Et c'est justement ça que Shay dénonce depuis des années avec le ton badass qui la caractérise. En 2019 toujours, elle affirmait à propos du son Jolie Garce : "Je suis une jolie garce, c'est à dire une femme qui s'affirme, qui a des ambitions, et malheureusement, quand une femme réussit dans un domaine, on a tendance à dire que c'est une 'salope' ou une 'pute'. Quand j'ai décidé de m'appeler 'jolie garce', c'était pour dire que j'incarne aussi ça, la fille qu'on insulte parce qu'elle a envie de réussir et qui se bat pour".
C'est dit. N'en déplaisent à certains twittos.