Dans le film, l'un des personnages sort cette phrase : "Au fond, on est tous un peu raciste". C'est une vision pessimiste que vous partagez également ?
Medi Sadoun : Non non, ce ne sont que des préjugés. C'est l'inconnu de l'autre qui fait ça.
Ary Abittan : C'est pas que nous sommes tous racistes. C'est juste qu'on a tous des préjugés sur chacun. Et les préjugés c'est quoi ? C'est l'ignorance, la peur de la mixité. Et c'est pourtant ce qui fait la richesse de la France. Je parle en tant que français, on est fiers d'avoir vécu dans des banlieues, parce que c'était cette mixité qui nous a amené à être ce qu'on est aujourd'hui, à être comiques et à pouvoir se vanner tous ensemble.
Frédéric Chau : Oui, puis le choc des cultures c'est finalement un super moteur pour les situations comiques. Ma communauté asiatique confrontée à la communauté française ou autres, ça va générer pas mal de situations comiques.
Vous pensez qu'un tel film jouant justement sur ce choc des cultures et la tolérance, peut aider à faire évoluer les mentalités ?
Medi Sadoun : Bien sûr.
Ary Abittan : Ce film tombe à point nommé. Et j'ai l'intime conviction qu'il se passe même quelque chose de ouf avec ce film. Non seulement ça fait évoluer les mentalités, mais à chaque projection, on dirait qu'on a gagné France-Brésil. Ça me rappelle la France Black-Blanc-Beur. Les gens sont contents, sont heureux... Ils viennent de 7 à 77 ans. On vit tous les soirs un France 98.
Noom Diawara : Y a même un mec qui l'a évoqué d'ailleurs.
Frédéric Chau : Ouè, il avait dit "La dernière fois que j'ai vécu un truc comme ça, c'était en 98."
Medi Sadoun : En espérant que le livre ne se referme pas cette-fois...
Quel est le cliché le plus idiot auquel vous avez fait face ? Par exemple, dans le film on entend encore une blague sur les "petits pénis des chinois"...
Noom Diawara : Ah ba c'est pas un cliché ça. Quand y a des vérités scientifiques il faut le dire. (rire)
Frédéric Chau : Non, mais moi par exemple quand on m'arrête, on me dit souvent "Hey, j'ai un super ami, il s'appelle Wang, il vit dans le 13ème, c'est sûr que tu le connais..." Les gens croient vraiment que je les connais. Mais ça me fait rire.
Ary Abittan : C'est comme moi on va me dire "Hey, vous vous débrouillez bien quand même, hein. C'est fou. Comment vous faites pour..." Ce sont des préjugés et il faut s'en servir uniquement pour faire rire les gens. Et encore une fois, ce film est là pour ça. On rit du début à la fin, avec tout le monde.
Medi Sadoun : Ici tout le monde en prend pour son grade.
Noom Diawara : Et ça reste au final un message sur la tolérance.
Et bien que ce soit idiot, ça ne vous vexe jamais ce genre de remarques quasi-affirmatives, même sur le ton de l'humour ?
Frédéric Chau : Moi je suis bien dans ma peau, donc après c'est en fonction de comment c'est amené, avec qui on rit... Mais en règle générale j'ai toujours de l'auto-dérision.
Ary Abittan : Il a tellement une auto-dérision que les vannes où ils rigolent le plus, ce sont les blagues qu'on lui fait sur les chinois. Il rigole aux larmes sur ça. Donc l'auto-dérision est non seulement là, mais c'est mieux, c'est comme de l'humour juif. Car l'humour juif c'est se moquer de nous.
Medi Sadoun : Il est un excellent représentant de la communauté asiatique, puisque c'est vrai, on n'a jamais eu l'approche de savoir s'ils étaient susceptibles ou pas. Et lui, il est le porte-parole d'une communauté qui n'est pas susceptible.
Donc il est réellement possible de rire de tout avec tout le monde ? Ce n'est pas qu'une simple utopie ?
Ary Abittan : Et bien ce film est vraiment l'archétype du fait qu'on peut rire de tout, de tous, et avec tout le monde. A la seule condition : que ce soit drôle.
Noom Diawara : Et que ça parte d'un bon sentiment. Quand c'est drôle, c'est drôle, y a personne qui est vexé, tout le monde rigole.
Medi Sadoun : On connaît tous le proverbe "Qui aime bien, châtie bien". Quand on aime quelqu'un, on aime le vanner et la personne vannée sait qu'elle est aimée, personne n'est susceptible.
Ca fait quoi d'avoir des beaux-parents incarnés par Chantal Lauby et Christian Clavier ?
Ary Abittan : C'est extraordinaire. Déjà parce que ce sont des acteurs immenses et jouer avec les deux c'est comme jouer au Tennis avec Mats Wilander (rire).
Frédéric Chau : Ou Andre Agassi et Michael Chang !
Medi Sadoun : Ou Tarik Benhabiles aussi (rire).
Noom Diawara : Ou alors Yannick Noah qui était plutôt pas mal.
Ary Abittan : En tout cas ça nous porte. Déjà parce qu'on a un respect immense envers Christian Clavier – la plupart de nos scènes étaient avec lui. Chaque note, chaque phrase, chaque interrogation, chaque point, il la joue sur la comédie. Ça nous rappelait bien à l'ordre. En tant que comiques, nous quatre, on était bien concentrés et on a appris une chose : l'humour, c'est sérieux.
Medi Sadoun : Exactement. C'était le chef d'orchestre et nous étions ses musiciens. (rire).
Dans le film, vos personnages se mettent à chanter la Marseillaise avec amour, au grand étonnement de votre beau-père. Et forcément, cette situation fait écho avec les sportifs – dont les joueurs de foot, qui ne la chantent pas. Est-ce que c'est un vrai débat à avoir ou finalement, on s'en fiche complètement et ils font ce qu'ils veulent ?
Ary Abittan : Moi sincèrement, c'est pas que je m'en fous, mais c'est un débat qui fait débat que maintenant. Mais avant, je me souviens pas si un Giressse, un Tigana ou un Platini la chantaient. Avant, en 82, moi ce que je sais c'est que quand la France a perdu aux penaltys, je ne me rappelle pas s'ils chantaient ou non la Marseillaise, je me rappelle juste que j'ai pas dormi de toute la nuit. Mon père et moi, issus de l'immigration, avons tous pleuré. Maintenant, ce sont des débats qui n'existent pas.
Medi Sadoun : Ouè ce ne sont que des détails. Et puis encore faut-il savoir chanter, avoir envie de chanter. Parce que si ça avait été une danse à la place de la chanson, est-ce que tout le monde se mettrait à danser ? Moi je danserais pas, j'aurais peur de m'afficher.
Et en parlant de foot, vous avez un petit pronostic sur la Coupe du Monde au Brésil ?
Noom Diawara : Moi je pense que l'Algérie va gagner la Coupe du Monde. Ils ont la meilleure équipe, la plus soudée... Donc je pense qu'elle va faire un super score (rire)
Ary Abittan : Ça c'est pour charrier Medi ! Mais heuuu, alors écoute, comme l'Israël n'est pas qualifié du tout...
Frédéric Chau : Est-ce que la Chine est qualifiée ?
Medi Sadoun : Non, mais y a la Corée. Mais c'est pareil (rire). Allez hop, les préjugés !
Frédéric Chau : Ah, alors je suis pour la France.
Medi Sadoun : D'ailleurs l'Algérie/Corée c'est le prochain match, ils sont dans le même groupe.
Ary Abittan : Ah ba ça va être génial. Alors on l'organise chez moi, à la maison.
Medi Sadoun : Le problème c'est qu'ils lèvent trop la jambe, ils confondent avec le karaté... (rire).
Ary Abittan : Mais évidemment on espère tous une chose : c'est que la France aille en finale et gagne la Coupe du Monde. Ca serait, vraiment, un aboutissement et un point final à ce film, Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu.
Medi Sadoun : Exactement. Et avec trois buts de Benzema s'il vous plaît. (rire).
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