Lors de la promotion de son Dune : Deuxième Partie, Denis Villeneuve en a dit des choses. Beaucoup. Trop. Et l'une de ses sorties lui a valu un petit backlash qu'il a décidé de prendre à revers et d'assumer à deux mille pour cent. Plus tôt dans l'année donc, le réalisateur canadien a déclaré au Times "honnêtement, je déteste les dialogues. Les dialogues sont pour le théâtre et la télévision".
Évidemment, cette petite take a du mal à passer, et la toile s'embrase. Villeneuve, snob ? Après tout, ça ne sera pas entièrement déconnant. Face à cette petite tempête, le réalisateur de Premier Contact rétro-pédale un peu et revient sur ses paroles, et affirme ne pas "détester les dialogues". C'est bien Denis, on est content. Sauf que malgré cette tentative de marche arrière un peu laborieuse, les théories conspuent.
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C'est vrai ça, s'il a tant d'aversion pour le bla bla, pourquoi ne pas être radical et s'en affranchir dans un film ? Comme rappelé plus tôt dans l'article, revenir vers le muet, ce serait comme revenir à l'essence même de ce qu'est le cinéma : un outil d'expérimentation visuel. À l'occasion du BFI London Film Festival, Denis Villeneuve est revenu de nouveau sur ses propos et a rétropédalé sur son rétropédalage (vous suivez, c'est bon ?).
"Le dialogue est l'outil d'expression du théâtre, puis c'est devenu, pour d'autres raisons, celui de la télévision. (...) J'adore les dialogues, mais pas [toujours] au cinéma". Il a ensuite ajouté : "J'espère qu'un jour, je serai capable de faire un film qui n'utilise pas le langage parlé. J'essaye au maximum d'utiliser le pouvoir des images".
Une ambition toute à son honneur, mais que de nombreux cinéastes expérimentent également de leur côté. À cet égard, impossible de ne pas mentionner The Artist (2011) de Michel Hazanavicius (OSS 117, La Classe Américaine) ? Cependant, ce film relevait davantage du pastiche de "film muet classiques des années 1900-1930".
Légèrement hors de ce genre, le sublime projet argentin d'Esteban Sapir, Telepolis, ou La Antena en langue originale, a su bien placer ses billes et proposer un film en noir et blanc où la société dystopique dépeinte est entièrement muette et dirigée par des magnats du divertissement.
Également, ne faisant pas le lien évident entre muet et noir et blanc, difficile de ne pas convoquer le magnifique long-métrage d'animation de Michael Dudok de Witt, La Tortue Rouge. Ici pas de dialogue, que de l'image, que de la mise en scène, et aucune réflexion en miroir sur cette absence de parole. L'image vit pour le récit et pour la poésie, et c'est probablement de ce type de production, de ce type de démarche que Villeneuve souhaite se rapprocher.
Car, comme il le souligne dans l'interview au BFI, c'est un film libéré du dialogue qu'il souhaite réaliser. Ainsi, plus "sans dialogue" que "muet" dans un sens. Alors, laissez tomber vos projections mentales d'un Villeneuve en Fritz Lang, ce n'est pas le projet. Attendez-vous néanmoins à un film radicalement différent de ces précédents, bien qu'on vous l'accorde, ils n'étaient pas déjà bien portés sur la papote !