Une instit' violoniste tombe amoureuse d'un parent d'élève un brin brut de décoffrage. Peu à peu, tous deux vont s'apprivoiser, malgré la gêne, les silences, les non-dits - et les milieux sociaux qui les séparent. Ce pitch nous rappelle que les histoires d'amour à l'écran n'ont pas besoin de milliers de pages pour faire rêver : c'est ce que démontre le film (français) dont il est question, Mademoiselle Chambon.
Un petit bijou de subtilité à (re)voir sur Arte ce 21 juin à 20h55, et qui d'ors et déjà prend un pari pas évident : si des films comme Eyes Wide Shut (avec Tom Cruise et Nicole Kidman) ou Rock'n'roll (avec Guillaume Canet et Marion Cotillard) réunissent à l'écran des partenaires dans la vie, Mademoiselle Chambon convoque à l'écran des... ex. Car Vincent Lindon et Sandrine Kiberlain s'y côtoient six ans après leur divorce.
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Pour un résultat d'autant plus fort : l'alchimie, la tendresse et la difficulté éprouvée à communiquer (bref, tout ce qui résume le sentiment amoureux, quoi) y sont très authentiques. C'est normal, car le réalisateur Stéphane Brizé, en plus de puiser dans ce vécu, s'est inspiré des meilleurs... ou plutôt, DU meilleur.
Car on a du mal à le croire quand on contemple ses longues séquences très intimistes, d'une admirable pudeur, mais Mademoiselle Chambon est un film "à l'américaine". Et ce même s'il s'inspire du livre d'un romancier français, Eric Holder. Car la grande influence du metteur en scène, de son propre aveu, n'est autre que le chef d'oeuvre d'un des plus grands cinéastes du pays de l'Oncle Sam : monsieur Clint Eastwood.
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Tu t'en doutes, il n'est pas ici question du western Impitoyable et autres oeuvres chargées de violence, non, mais d'un classique des idylles : Sur la route de Madison. Ou quand une femme au foyer, Francesca (Meryl Streep) s'éprend d'un photographe solitaire travaillant pour National Geographic (Clint lui-même), du côté de Madison (Wisconsin), alors que mari et enfants sont absents. Une passion aussi éphémère que puissante. Un portrait de femme riche et sensuel, d'une rare vérité pour un film mis en scène par un homme.
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"Quand on évoque une rencontre entre deux êtres qui se sont ratés, il est difficile de ne pas y penser. La scène où Meryl Streep a la main sur la poignée de la portière de la voiture au moment où elle doit décider de partir ou rester est complètement déchirante. C'était ma référence lacrymale", a détaillé Stéphane Brizé afin d'expliquer sa fascination pour Sur la route de Madison. Auquel Mademoiselle Chambon ferait écho, donc.
Non content de nous faire autant pleurer que Titanic, Sur la route de Madison raconte mille choses : les pressions subies par les mères assujetties à leur famille, les jugements portés sur la sexualité féminine, le temps qui passe, l'amour impossible. Une sensibilité qui, selon son réalisateur, hante les retrouvailles entre Vincent Lindon et Sandrine Kiberlain. Et si on (re)voyait ça pour le confirmer ?