En l'espace de sept saisons réparties entre 2007 et 2015, Mad Men a récolté pas moins de 79 récompenses dont 16 Emmy Awards. Tout naturellement, la création de Matthew Weiner portée par Jon Hamm est aujourd'hui considérée comme l'une des séries les plus prestigieuses de la télévision américaine. Pourtant, si de nombreux fans jugent qu'elle a fait un sans-faute qualitatif durant sa diffusion, Netflix vient de décider du contraire.
Quelques jours seulement après son arrivée sur la plateforme, Mad Men a tout simplement été censurée. La raison ? Dans l'épisode 3 de la saison 3, le personnage de Roger Sterling, interprété par le comédien John Slattery, se peint le visage en noir, c'est-à-dire qu'il fait une "blackface", et chante de façon parodique une chanson anti-esclavagiste. Une scène qui se déroule sous le regard médusé du personnage principal, Don Draper (interprété par John Hamm), détonnant du reste de la salle, prise d'hilarité face au macabre spectacle.
Or, on le sait, le blackface est une pratique désormais (et c'est tant mieux) jugée raciste, mal à propos, et qui soulève des vagues de boycott bien méritées. Car c'est bien simple : la peau noire n'est pas un déguisement. De surcroît, son utilisation est intimement liée à des pratiques racistes. De quoi légitimer la censure imposée par Netflix ? Oui... mais non.
Il est important de rappeler que Mad Men retrace le quotidien de publicitaires dans le New York des années 1960. Autrement dit, une tout autre époque. Et cet épisode, comme le reste de la série, n'est pas là pour faire la promotion du blackface, mais bien pour le critiquer, en atteste l'attitude de Don Draper. Par ailleurs, dans un autre registre, la série n'oublie jamais de rappeler la violence sexiste et misogyne de cette époque, à travers des comportements intolérables de la part de certains personnages. Des moments difficiles à voir, mais nécessaires pour raconter une période de l'humanité et ne pas enjoliver l'Histoire.
Aussi, là où il apparait logique et compréhensible que la mise en scène d'une blackface provoque un certain malaise, Netflix aurait pu opter pour une autre option que la censure afin d'y réagir. En pratique, et ce, depuis quelques années maintenant, lorsqu'une scène a pour vocation à dénoncer ou a été réalisée dans un contexte antérieur à l'hégémonie des luttes anti-racistes et plus globalement progressistes, des messages d'avertissement sont proposés en amont de leurs diffusions sur les plateformes.
C'est d'ailleurs ce qu'on peut régulièrement découvrir sur Disney+ avec des oeuvres comme Les Aristochats ou Blanche Neige et les sept nains, et c'est même ce qu'avait mis en place la société de production Lionsgate, à l'origine de la série Mad Men. Afin de signaler la présence de cette scène choquante, le producteur avait lui-même écrit ce message au début de l'épisode : "Cet épisode contient des images troublantes en rapport avec la race en Amérique. (...) En s'appuyant sur l'authenticité historique, les producteurs de la série se sont engagés à exposer les injustices et les inégalités au sein de notre société, qui perdurent encore aujourd'hui".
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En somme, Netflix qui apparemment est à côté de ses pompes, a préféré supprimer l'épisode sans sommation, et surtout sans un mot, plutôt que de brancher son cerveau. Une action d'autant plus incompréhensible lorsqu'il est devenu courant d'insérer des "trigger warnings" en début d'épisodes ou flanqué à la description d'une série pouvant comporter des scènes à caractère discriminatoire.
Depuis cette découverte et son annonce dans les médias, d'abord par les journalistes de Metro, les internautes attendent toujours une déclaration de la part de Netflix. Affaire à suivre.