C'était en 2007 que nous avions découvert le projet d'adaptation du premier tome de la saga de l'écrivain britannique Philip Pullman, A la croisée des mondes. Signé du réalisateur Chris Weitz, déjà célèbre pour le premier volet de la saga American Pie, le film avait été pris en charge par le studio New Line (à qui l'on doit Les Griffes de la Nuit, la franchise Vendredi 13 et Le Seigneur des Anneaux, rien que ça).
Pour que succès se fasse, la production avait vu grand en mettant sur patte un casting all stars : Dakota Blue Richards en rôle principal (Skins, Le Secret de Moonacre), Daniel Craig en Lord Asriel, Nicole Kidman en Marisa Coulter, Freddie Highmore prêtant sa voix à Pantalaimon ou encore Eva Green en Serafina Pekkala. Une distribution qui respire les années 2000 donc, pour un film qui aura finalement précipité la franchise à sa perte.
Chris Weitz entreprenait à l'époque de réaliser ses films en suivant la saga littéraire : un film par tome, à l'instar des succès comme Le Seigneur des Anneaux ou Harry Potter. Un plan malin, et qui a su faire mouches pour les franchises citées précédemment, et qui a su faire ses preuves avec la série de films Twilight, Hunger Games ou encore Divergente plus tard.
On s'en souvient, cette fièvre de l'adaptation de best-sellers dystopiques, flirtant parfois avec le surnaturel, la fantasy ou la science-fiction était LE pari gagnant de cette première décennie du millénaire. Tous ces romans à succès (ou presque) présentaient d'ailleurs un point commun : ils ne ménageaient pas les gouvernements, les organisations ecclésiastiques et les bonnes moeurs occidentales. En somme : ils étaient là pour en découdre avec la société, le tout enrobé dans des espaces temps pseudo-fictif, miroir de nos communautés.
Et A la croisée des mondes ne faisait absolument pas exception. La trilogie de Philip Pullman s'était illustrée, au-delà de la qualité de sa prose, pour ses prises de position religieuses. Tant et si bien que de puissantes organisations chrétiennes avaient fermement condamné les ouvrages. Un point fort des livres, qui n'a pas tellement plu... au studio. Aussi, lorsque le film de Weitz est passé en post-production, la New Line a décidé de s'immiscer dans le travail de montage, allant jusqu'à lisser et gommer sans sommation tout propos potentiellement condamnable par les organisations religieuses. L'objectif était clair : anticiper un boycott ou toute réaction pouvant nuire au succès du film.
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Résultat, le long-métrage s'est retrouvé siphonné de toute la substance qui en aurait fait une oeuvre marquante, politique, et intéressante. Et de façon ironique, cette frilosité imposée par New Line pour s'assurer un succès a finalement... causé l'échec du film. A sa sortie, le public était unanime : A la croisée des mondes : La Boussole d'Or était considéré comme une mauvaise adaptation. En atténuant, pour ne pas dire supprimer, les éléments anticléricaux qui représentaient l'un des poteaux mitans des livres de Pullman, la New Line avait fait de ces romans cultes une histoire pour enfant, bien mignonne, mais sans grand intérêt.
Pour sûr, l'Église catholique, première cible des livres de Pullman, a été plutôt satisfaite de cette adaptation - même si des ligues catholiques américaines ont tout de même tenté d'appeler au boycott. Mais du côté des critiques et du public, l'accueil réservé au métrage a été franchement mitigé. C'est simple, À la croisée des mondes : La Boussole d'Or s'en est sorti avec 320 millions de dollars de recettes au box office mondial, un score jugé trop maigre pour New Line vis-à-vis de son investissement, qui décida rapidement de laisser tomber le projet des deux suites. Côté notes, le film n'obtient que 42% de critiques positives sur la base de 196 critiques sur le site de Rotten Tomatoes, et 51% au Pop Corn Meters, calculé sur plus de 250 000 critiques vérifiées.
Depuis 2007, l'oeuvre de Pullman a été de nouveau adaptée, sous la forme d'une série produite par HBO, baptisée His Dark Materials : A la croisée des mondes. Diffusée de 2019 à 2022, elle cumule une vingtaine d'épisodes étalés sur trois saisons. Le casting a beau être moins clinquant que le métrage de Weitz, on repère tout de même au casting l'acteur James McAvoy (Split, la saga X-Men, Le Monde de Narnia) ou encore, plus surprenant, Lin Manuel Miranda (Hamilton, In the Heights). Et à l'inverse du film, la série obtient de manière générale des critiques positives, 77% sur Rotten Tomatoes pour sa première saison sur la base de plus de 140 critiques. Un score honorable pour une série qui a plutôt fonctionné, sans pour autant faire un raz de marée auprès du public.
Alors, soyons honnêtes, A la croisée des mondes : La Boussole d'Or est loin d'être un mauvais film. Une mauvaise adaptation, pour sûr, mais un mauvais film, clairement pas. C'est un beau souvenir d'enfant, une aventure sous la neige, où l'on rencontre une mythologie fascinante, dans laquelle il est super de se replonger. Pour l'heure, vous pouvez y refaire un tour sur Netflix. Pour plus tard, pourquoi ne pas (re)découvrir les romans de Pullman ?