Bien des films se sont emparés de la révolution #MeToo à Hollywood : Scandal avec Nicole Kidman et Margot Robbie, She Shaid avec Carey Mulligan... Mais aucun n'a la rage du manifeste féministe le plus énervé des années 2020 : Promising Young Woman. Avec Carey Mulligan. Oui, encore.
C'est un film qui fait l'effet d'une claque, et la plateforme de France TV propose justement de le (re)voir cette semaine - gratuitement, il suffit juste de créer son compte et de se rendre sur cette page. Mais faisons les présentations. Promising Young Woman, c'est l'histoire de Cassie (Carey Mulligan), trentenaire qui a pour habitude... de feindre d'être complètement ivre en boîte. Pour pousser les potentiels violeurs à se trahir.
En faisant semblant d'être ivre morte, Cassie piège les porcs et rappelle les bases : abuser d'une femme ivre, c'est du viol, le consentement existe, les hommes sont des prédateurs qui s'ignorent. Fort de ce pitch choc (et de séquences qui le seront encore plus), le premier long de la cinéaste Emerald Fennell va mixer comédie noire, brûlot féministe, thriller psychologique, satire sociale, et même... comédie romantique. Oui oui.
Et ce n'est pas tout.
Le concept de Promising Young Woman est fort, très fort.
En fait, la réalisatrice américaine se réapproprie un genre très spécial et un peu douteux, celui du rape & revenge movie. Du viol, et de le vengeance, littéralement. Associé au cinéma d'exploitation, et à des classiques du cinéma d'épouvante comme La dernière maison sur la gauche de Wes Craven, le "rape and revenge" désigne un postulat simple : une femme est violée, et elle sera vengée. Par son mari, sa famille, un(e) ami(e).
Le plus souvent, cette vengeance très "oeil pour oeil, dent pour dent" ou Loi du talion, prend la forme d'un déferlement de violence très graphique, viscérale, choquante, voire écoeurante, censée "rendre justice" et réparer les victimes. Or, rien de tout cela dans Promising Young Woman. Le film fait la part belle aux mots, plus qu'aux corps, et les confrontations verbales que déploie Cassie sont d'autant plus dévastatrices.
Les diverses manipulations qu'elle va mettre en place, auprès des hommes, mais aussi auprès des femmes qui les soutiennent, sont avant tout psychologiques. De "réparation", il n'y en a guère : on jubile des idées de la protagoniste, très cathartiques, tout en constatant sa tristesse, sa solitude, son désespoir face aux violences patriarcales, qui l'incitent à refaire le même "jeu", semaine après semaine, week-end après week-end.
C'est un film qui dérange, n'a guère envie de faire consensus, de rassurer. Paré de couleurs pétantes, il invoque tout un pan de la pop culture la plus apparemment inoffensive - les comédies romantiques, les chansons de Britney Spears, et même Paris Hilton ! - pour mieux nous gifler, avec une bonne grosse dose de noirceur. Un cocktail dont l'on doit aussi toute la saveur à une Carey Mulligan surinvestie et déconcertante.
Couronné aux Oscars (statuette du meilleur scénario original), Promising Young Woman est l'histoire d'une Batman au féminin, aussi badass que tragique. Et de la société d'où elle éclot. C'est une claque.