Un matin de juin 2017, la jeune Reality Winner fait face à une fâcheuse surprise : des agents du FBI l'attendent chez elle. C'est le début d'un interrogatoire tortueux de plus d'une heure. Mais de quoi accuse-t-on cette jeune Américaine parfaite qui apprécie les armes à feu, les selfies et la gym ? Simple : d'avoir divulgué des documents d'Etat de la plus haute importance. En pleine présidence Trump, on lui attribue la posture la plus décriée : être une lanceuse d'alerte.
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Cette histoire est vraie. Et un thriller palpitant se charge de nous la relater : Reality, à découvrir dès à présent en salles. Un film passionnant puisqu'il fait le choix de reconstituer au mot près les retranscriptions audio qui ont eu lieu, véritablement, entre le FBI et Reality. Ce portrait d'une Amérique sous haute surveillance intègre même des photos de la vraie Reality, brouillant la frontière entre documentaire et fiction. C'est tout simplement vertigineux.
Et c'est Sydney Sweeney, la Cassie d'Euphoria, qui dans la peau de cette citoyenne très discrète trouve son premier grand rôle au cinéma. Sobre, complexe, ambivalente, et surtout, émancipée de tout regard libidineux (on doit ce film à une réalisatrice, et ça change tout), elle est tout simplement impressionnante.
Et elle n'est pas la seule...
Autre chose impressionnante (et pas des moindres) de ce thriller abordant un énorme enjeu politique qui a fait couler beaucoup, beaucoup d'encre (sans trop en dire : il est électoral) ? La mise en scène. Parasitages visuels et sonores (lorsque des noms "confidentiels" sont abordés), superpositions de documents visuels/audios réels et de leurs retranscriptions à l'écran, sens du cadre qui sans trop en faire vient surligner la manière dont Reality est dominée par les agents qui l'interrogent, immersions décalées dans la tête de l'héroïne...
Tout semble pensé au millimètre dans Reality, qui va se jouer une heure vingt durant de nos repères, de notre confort de spectateur (par son thème musical constant et étouffant, mais aussi en éternisant la séquence pré-interrogatoire... qui quelque part est déjà un interrogatoire !), et de notre perception des choses. Un exercice de style qui nous fait ressentir ce qu'éprouve la protagoniste : on perd pied, tout simplement.
Et toutes ces manipulations formelles, qui évoquent furieusement le cinéma de Brian De Palma, ne sont pas du tout gratuites, loin de là. Elles servent tout un discours sur une manipulation plus globale et bien réelle : la manipulation politique, qui de très loin dépasse le simple cadre du cinéma. Les deux ne font qu'un dans ce long-métrage au concept radical tenu d'un bout à l'autre, jamais austère malgré ses parti pris.
Une expérience qui nous confirme enfin si besoin était, en s'exerçant à percer à jour le caractère trouble de son personnage féminin principal, qu'une grande actrice est née : elle s'appelle Sydney Sweeney.