C'est un thriller explosif, au sens premier du terme. Sabotage relate la préparation en plein désert texan d'un groupe d'individus, hommes et femmes, confectionnant des explosifs artisanaux dans un but bien précis : saboter une raffinerie. Chacun a ses raisons de s'en prendre à ce symbole emblématique de pollution : éco-anxiété, maladie, sentiment d'injustice, perte de ses terres et intoxication de son bétail...
Avec ce film à découvrir en salles depuis le 26 juillet, le très engagé réalisateur Daniel Goldhaber (qui désigne également ses scénaristes comme "réalisateurs" dans le générique de fin) remet sur le devant de la scène un sous-genre cinématographique à part entière : le thriller écolo, ou thriller environnemental.
Thriller, car ce récit choral valorise avant tout la tension, palpitante, en nous plongeant heure par heure dans le déroulé d'une opération minutieuse et bien évidemment (très) périlleuse. Les étapes de leur plan et sa mise en action se dévoilent avec un art du suspens qui nous rappelle le Démineurs de Kathryn Bigelow... Et un goût du cliffhanger qui n'est pas sans évoquer les meilleures séries télé de ces dernières années. Beaucoup y voient également une réécriture anticapitaliste des films de braquage, à la Ocean's Eleven. Original, oui.
Captivant, surtout. Et polémique aussi : Sabotage a déjà beaucoup fait parler de lui, bien avant sa sortie d'ailleurs. On t'explique pourquoi.
On ne peut pas dire que Daniel Goldhaber ait froid aux yeux. Avec ce second long-métrage (il avait auparavant réalisé un film d'horreur très original dédié... à une camgirl !), le cinéaste américain déploie une oeuvre audacieuse par son côté radical, politiquement parlant. Effectivement, plutôt que de juger les actes forcément discutables de ses protagonistes, Goldhaber valorise une empathie à toute épreuve.
C'est pour cela qu'il ne va jamais condamner leurs initiatives. Mais rien d'étonnant en vérité : le film s'inspire de l'essai Comment saboter un pipe-line, du suédois Andreas Malm qui, ne serait-ce que par ce titre choc, a fait couler beaucoup d'encre. Controversé, cet essai est perçu comme la quintessence de l'écologie "radicale", où le recours à la violence est envisagé comme l'unique forme de lutte efficace. Il est même qualifié de "brûlot politique" !
Une polémique qui est venue accompagner son adaptation. Et pourtant, Sabotage fait avant tout le pari d'être un film humaniste, par-delà sa prise de position militante. Le réalisateur s'attarde aussi bien sur les convictions de ses personnages que sur leurs contradictions. Protagonistes que tout semble opposer : le citoyen "Trumpiste", fusil au poing, se retrouve à faire équipe avec la militante lesbienne écologiste. Une certitude forte les unit. Tous se retrouveront à "faire société" à travers un projet qui leur semble légitime.
Mais en filmant le collectif, Daniel Goldhaber s'attarde plus encore sur l'individu, sa vulnérabilité, ses émotions, ses espoirs aussi. Le tout en conservant sa caméra au plus près des souffles coupés, des angoisses qui virent à l'arrêt cardiaque, de la sueur qui parle sur le front.
Sabotage malmène notre palpitant 90 minutes durant à travers une expérience très physique aux effets super-efficaces... Et dont le but est clair : aller droit au but pour mieux inviter son spectateur, une fois passée la sidération, à un débat intime plus nuancé.
Le grand gagnant à la fin de ce thriller indépendant aussi efficace que les grandes machines hollywoodiennes ? Notre intelligence.