Ca ne vous a pas échappé, Batman - à l'inverse de ses potes de la Justice League, ne possède aucun pouvoir. Aussi, comme on peut régulièrement le suivre dans les comics, c'est notamment grâce à son esprit qu'il arrive à vaincre ses ennemis. Une différence importante qui lui permet de se démarquer de ses camarades et nous rappeler qu'il est plus que des muscles. Or, depuis ses débuts au cinéma, cette qualité a souvent été mise de côté au profit de son côté bourrin et de son armada de gadgets.
Aussi, c'est un vrai plaisir de retrouver un Bruce Wayne en mode détective ici, qui privilégie la réflexion pour faire avancer son enquête. C'est plus fidèle à ce qu'il est dans les comics, plus crédible aussi (l'histoire et son univers ont une vraie place, ce n'est pas qu'un prétexte à la création du film) et bien évidemment, cela renforce les moments d'action en leur donnant une importance jouissive. Car oui, on vous rassure, Batman n'est pas un flic comme les autres et quand il a besoin d'informations, il n'hésite pas à faire parler ses poings.
The Batman ne révolutionne pas l'univers de ce super-héros au cinéma. Autrement dit : Gotham est toujours aussi sombre, poisseuse, violente, déprimante et on ne voit quasiment jamais le jour durant l'histoire (mention néanmoins spéciale à cette scène incroyable qui joue avec brio avec le concept de héros caché dans l'ombre).
En revanche, là où le film innove vis-à-vis de ce qui a été fait auparavant avec la licence, c'est dans cette approche de ce côté détective de Bruce Wayne. A travers ça, Matt Reeves (le réalisateur) détourne les codes du film de super-héros pour en faire un véritable thriller digne de ceux des années 90 façon Seven et rendre un bel hommage aux polars à l'ancienne (voix off). Le rythme est posé (les 3h de film peuvent se faire ressentir si on s'attend à de l'action toutes les 30 secondes), l'histoire a la place de se développer progressivement avec ses rebondissements et on a donc le droit à une plongée intense dans ce monde qui, pour une fois, explique parfaitement les enjeux de ce qui se passe dans cette ville. Ce n'est plus traité de façon superficielle en arrière-plan entre deux bastons, tout a une vraie importance.
L'une des choses qui nous frappe quand on lit un comic Batman, c'est la forte présence d'une galerie de personnages dans Gotham qui animent la ville à leur façon. Et si Bruce Wayne n'affronte généralement qu'un vilain par histoire, cela ne l'empêche pas d'en croiser pleins sur sa route durant son intrigue. Or, jusqu'à présent, cet aspect avait toujours été très limité / mal exploité au cinéma. Bonne nouvelle, The Batman rompt enfin avec ça et nous rappelle avec force combien cette ville peut être corrompue et manipulée de tous les côtés.
De même, sans parler uniquement des méchants, il est également plaisant d'assister à de nombreuses relations différentes de Batman avec son entourage. Que ce soit Alfred, Selina, Gordon, les flics autour et même les civils, il est intéressants de suivre les différents degrés d'interactions qu'il peut avoir avec eux et les conséquences à chaque fois. Comme tout le reste dans ce film, ça n'est jamais gratuit mais ça apporte au contraire une vraie épaisseur à l'ensemble, ce qui rend le tout digeste. Et quand un film dure 3h, c'est important.
Enfin, on aurait pu parler de la performance incroyable de Robert Pattinson qui apporte un vrai truc nouveau au personnage emblématique (un bon mélange de doute sur son rôle, ses origines mais également une porte d'espoir et de réalisme sur ses actions), mais c'est vraiment celle de Paul Dano en Riddler qui nous a impressionné dans ce film.
Grâce à ce côté thriller, l'acteur amène une tournure extrêmement angoissante et flippante à son personnage, à la fois instable et imprévisible, qu'il arrive à faire monter en puissance. Comme Bruce Wayne, on est toujours surpris par les actes et le sadisme de Riddler qui, à l'inverse du Joker de Nolan, nous apparait comme véritablement humain. Un simple détail ? Au contraire, cela renforce ses actions et son côté réel / sinistre - et donc moins cartoonesque, qui nous déclenche ce reflexe de toujours regarder par-dessus notre épaule ensuite (la scène d'intro est magistrale à ce niveau-là). Il est encore trop tôt pour dire si Riddler de Paul Dano est plus fou / flippant / terrorisant que le Joker de Heath Ledger, mais il est très difficile de l'oublier après le visionnage tant il nous hante !
Le film The Batman est actuellement disponible au cinéma.