Valérie Pécresse, c'est un peu Jimmy Punchline dans son genre, du style à sortir des tirades que jalouserait grave le Orelsan de Défaite de famille. Tu connais les classiques, du mythique "Rien de tel qu'une femme pour faire le ménage" prononcé pendant la campagne des élections régionales de 2015 à son beaucoup plus récent (janvier 2022) "Je vais ressortir le Kärcher de la cave. Il est temps de l'utiliser. Il s'agit de remettre de l'ordre dans la rue", qui ferait clairement passer Nicolas Sarkozy pour le groupe Tryo.
Mais l'ambiance est un brin moins aux petites phrases qui claquent depuis quelques semaines. La présidente de l'Ile-de-France a clairement exprimé son malaise au sujet du nom d'un bahut de la Seine-Saint-Denis, à savoir le lycée "Angela-Davis". Blaze pourtant validé par le conseil d'administration du lycée et le maire de Saint-Denis depuis quatre ans.
Le conflit ? C'est simple : Valérie Pécresse souhaiterait que le lycée change de nom pour devenir le lycée "Rosa Parks", car Angela Davies lui apparait comme une icône contestataire beaucoup trop clivante...
Et c'est là qu'intervient Pap Ndiaye, le Ministre de l'éducation en personne, puisque Valérie Pécresse lui a demandé de se prononcer à ce sujet. Celui-ci, grand spécialiste de l'Histoire américaine et des luttes antiracisme, s'est permis de rappeler deux trois trucs à la personnalité politique...
Pour Valérie Pécresse, rendre hommage à Angela Davis, c'est tendu. Car la militante a un passif d'engagement très "radical" pour reprendre le terme de la présidente : elle a notamment soutenu le mouvement des Black Panthers. Si cette voix afroféministe très influente dérange Valérie Pécresse c'est aussi parce qu'elle a signé en 2021 une tribune associant la France et ses "structures de gouvernance" à une véritable... "mentalité coloniale".
Des mots puissants. lls sont effectivement au coeur de cette tribune publiée par l'Obs, et qui venait dénoncer les discriminations que subissent notamment les "citoyen.ne.s et des immigré.e.s racisé.e.s" en France. Pour rappel, une personne racisée, c'est une personne touchée par le racisme. Donc, une personne non-blanche.
Ce texte d'intellectuels tendait aussi à épingler une certaine "islamophobie" nationale, en dénonçant toutes les controverses autour du port du voile dans l'Hexagone. Une tribune bien critique comme il faut donc et qui dans son propos représente un danger pour "le respect de la laïcité dans les établissements scolaires" et les "idéaux républicains"... selon Valérie Pécresse.
Tout cela explique la polémique un brin soudaine autour du "lycée Angela Davies". Mais de son côté, Pap Ndiaye ne voit pas vraiment là une urgence d'Etat. Dans un courrier relayé par Le Monde le 19 avril dernier, le ministre explique : "Beaucoup de noms d'écoles puisent depuis longtemps dans un vaste éventail de références qui ne font pas nécessairement consensus. De très nombreux établissements portent déjà le nom d'Angela Davis !". Mais l'argumentation ne s'arrête pas là.
"Il ne me paraît pas opportun de changer le nom du lycée Angela-Davis. C'est une grande figure du mouvement pour les droits civiques, dont personne n'est obligé de partager tous les points de vue, mais qui peut cependant figurer sur les frontons de nos écoles", a encore détaillé l'homme politique.
Et Pap Ndiaye sait un brin de quoi il parle quand il rappelle l'importance de la lutte pour les droits civiques ou la place d'Angela Davis. Avant d'arriver au gouvernement, ce maître de conférence et normalien était connu pour ses abondantes recherches sur la condition noire aux Etats-Unis et en France, dont ses ouvrages Les Noirs américains : De l'esclavage à Black Lives Matter et La Condition noire : essai sur une minorité française.
De plus, Pap Ndiaye n'hésite jamais à briser les termes qui font frémir de plaisir les politiques de droite. En 2021 encore, il taclait chez France Inter l'usage trop galvaudé de la fameuse expression "islamo-gauchisme" : "Ce terme ne désigne aucune réalité dans l'université, c'est plutôt une manière de stigmatiser des courants de recherche. Il est employé par l'extrême-droite pour qualifier tous les mouvements antiracistes, tous ceux qui s'occupent des discriminations !". De là à dire qu'Angela Davis était "islamo-gauchiste"...
Et maintenant ? Et bien, relate Ouest France, Valérie Pécresse pourrait d'ici deux mois, et après discussion auprès du conseil régional, abandonner ce projet de changement de nom. En attendant le verdict, on ne pourra pas reprocher au ministre... d'éduquer.