A 63 ans et en 40 ans de carrière, Spike Lee en est à son 25ème film. Cette fois, ce n'est pas au cinéma que sort la nouvelle oeuvre du scénariste et réalisateur mais sur Netflix. Deux ans après le succès de BlacKkKlansman, long métrage engagé dénonçant le racisme passé et présent, il dévoile Da 5 Bloods (Frères de sang).
Quatre afro-américains, vétérans de la guerre du Vietnam, décident de retourner sur les lieux d'une bataille où ils ont perdu leur chef. Ils veulent retrouver sa dépouille mais aussi mettre la main sur un véritable trésor qu'ils ont caché là, des dizaines d'années auparavant. Leur voyage de mémoire ne va pas exactement se passer comme prévu.
L'histoire de Da 5 Bloods n'est pas un long fleuve tranquille. Et pour cause, Spike Lee n'a pas toujours été lié au projet. C'est en 2013 qu'un premier script a été écrit. Le film devait alors être réalisé par Oliver Stone, qui a finalement abandonné le projet trois ans plus tard. Spike Lee et Kevin Willmot (avec qui il a collaboré sur le scénario de BlacKkKlansman, récompensé par un Oscar) ont alors repris l'idée de base avec des changements : le film devait à l'origine raconter l'histoire d'anciens vétérans blancs. A la place, le réalisateur et scénariste a décidé de mettre en avant quatre afro-américains, vétérans eux aussi, joués par Delroy Lindo (Malcom X, The Good Fight), Clarke Peters (The Wire), Norm Lewis et Isiah Whitlock Jr (The Wire). Chadwick Boseman, la star de Black Panther, incarne leur chef dans des flashbacks. Au casting, on retrouve aussi deux Français : Jean Reno et Mélanie Thierry.
Mais ce ne fut pas le seul obstacle que Spike Lee a dû affronter : comme il l'a avoué à The Hollywood Reporter, le film a failli de pas voir le jour. "Nous sommes allés à chaque studio, tout le monde avait dit non. J'ai essuyé beaucoup de refus dans ma carrière, ils ne disent pas qu'ils détestent mais ils disent : 'Non, ce n'est pas pour nous' (...) Il n'y avait nulle part où aller après Netflix" a-t-il confié.
Comme dans BlacKkKlansman ou Do the Right Thing, Spike Lee dénonce dans Da 5 Bloods le racisme de l'époque, toujours cruellement d'actualité, en témoigne le mouvement Black Lives Matter suite à la mort de George Floyd. Durant la Guerre du Vietnam qui s'est déroulée de 1955 à 1975, de nombreux afro-américains ont été envoyés au front et tués. A l'époque, le Time avait rapporté que le ratio de combattants noirs comparé aux combattants blancs était deux fois supérieur à celui de la population américaine. Le film contient d'ailleurs des images d'archives, pour encore plus de réalisme.
Da 5 Bloods évoque évidemment ces sacrifices et ce racisme qui se répète à travers l'Histoire. "On peut avancer le temps et il y a toujours ces divisions. C'est un énorme parallèle" a confié Spike Lee à The Hollywood Reporter dans une interview donnée quelques jours avant la mort de George Floyd. Autre point commun entre cette époque et aujourd'hui ? Les mensonges des dirigeants, dont ceux de Donald Trump que Spike Lee appelle "l'agent orange". "Il y a eu tant de mensonges envers le public américain. Et aujourd'hui, vous avez cet homme à la Maison-Blanche, l'agent Orange, qui fait la même chose. Des mensonges. Des mensonges effrontés" ajoute le réalisateur. "Les injustices durent depuis 1619, depuis que le premier navire d'esclaves est arrivé à Jamestown, en Virginie. Donc depuis 401 ans" rappelle-t-il à nos confrères d'Allociné.
En plein mouvement Black Lives Matter, Da 5 Bloods est donc un film engagé et plus que jamais essentiel. "Quand on voir les circonstances du monde dans lequel on vit actuellement, c'est totalement vrai de dire que le film arrive dans ce monde au bon moment" confie Clarke Peters à USA Today.