Tout le monde voit la vie en rose en ce moment. Triomphe du film hyper pop de Greta Gerwig oblige - l'un des plus grands succès au box office pour une femme cinéaste - la "Barbie-mania" envahit tout : réseaux sociaux, univers fashion avec le mouvement du Barbiecore, mèmes à foison, déclarations de cinéastes (Tarantino et Coppola valident tous deux Barbie !) et même... univers sportif. Enfin, en quelque sorte.
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Car depuis le début de la Coupe du monde de foot féminin, tous les regards sont rivés sur une véritable Barbie "IRL" (dans la vraie vie) : Alisha Lehmann. La numéro 23 est déjà considérée comme l'une des sportives suisses les plus influentes de la Toile. Suivie par 14 millions de followers, l'attaquante de 24 ans rend tout le monde zinzin, et pas simplement les férus de ballon rond. Mais en même temps, elle clive beaucoup.
Pourquoi ? A cause de ses posts, qu'on verrait davantage fleurir sur les pages de Kim Kardashian ou "EmRata". A cause de son look, son makeup, son style, qualifiés "d'hyperféminins" : chaque marqueur de féminité semble poussé à fond et d'aucuns voient là une "super-superficialité". D'un autre côté, elle suscite des jugements qu'on pourrait facilement qualifier de sexistes : car qui est en droit de l'étiqueter ainsi ?
En dehors du terrain, la sportive professionnelle bouscule donc largement l'opinion...
Ce qu'il y a de super intéressant avec la footballeuse suisse Alisha Lehmann, c'est tout ce qu'elle représente : quelque chose de très paradoxal et de très actuel. Figure à la notoriété fulgurante, suivie par 14 millions de fans fidèles sur Instagram - et 9 millions sur TikTok - alors qu'elle dispute tout juste son premier Mondial, surpassant même sur les réseaux sociaux son compatriote Roger Federer en terme de notoriété, la pro est à la fois considérée comme un emblème du sexisme facile et... une figure hyper forte du monde sportif.
Clairement, être l'une des stars au coeur de la Coupe du monde féminine qui se tiendra jusqu'au 20 août prochain n'a rien d'anodin. La footballeuse fait facilement figure d'icône, de "role model" : c'est une source d'inspiration pour les jeunes femmes et championnes en devenir.
Mais on lui contestera volontiers sa couronne. Pourquoi ? Car Alisha Lehmann mettrait trop son physique en avant sur les réseaux. Photos en bikini, clichés de plages, attitudes sexy ponctuent une page aux publications glamour abondamment likées.
Tant et si bien que d'aucuns voient là un goût très prononcé du buzz et une vision plutôt... rétrograde, de la gent féminine. Du côté de franceinfo, la sociologue du sport Catherine Louveau tacle d'ailleurs : "Elle s'expose, s'offre au regard de ses abonnés. Elle se met en posture de femme-objet en jouant sur un registre d'hypersexualisation". Hypersexualisée, hyperféminine, "femme-objet" : Alisha Lehmann s'érige en fantasme désiré par le regard masculin. "Et le sport dans tout ça alors ?", diraient certains en retour.
Justement, nombreux sont les experts à rappeler que l'intéressée joue au foot depuis ses cinq ans, et n'a jamais cessé depuis, gravissant les échelons jusqu'à atteindre la gloire aujourd'hui. Mais par-delà son talent sportif, une autre chose est sûre : elle assume totalement ce corps qu'elle met en scène au fil des posts, sa sexualité, son "hyper féminité" qu'on lui reproche volontiers. L'espace de stories Insta, elle avoue volontiers "J'aimerais tant être elle" en partageant... des photos du film Barbie !
La sportive s'inscrit dans un phénomène que l'on observe beaucoup sur TikTok et Insta : le retour en grâce de la bimbo, stéréotype féminin hyper raillé, de la blondeur, et à la travers le mouvement "Barbiecore", du rose bonbon, des marqueurs de féminité hyper forts, envisagés comme une force à une époque qui fustige le sexisme qu'ont du subir les stars d'hier, de Pamela Anderson à Paris Hilton en passant par Britney.
C'est une manière de lutter activement contre le body shaming et le slut shaming : les remarques et jugements qui ciblent le corps des femmes et leur sexualité. Un sujet sur lequel est souvent revenue une autre star, Billie Eilish, critiquée pour être passée des pantalons larges à un shooting en lingerie pour Vogue, et qui résumait bien la chose : "Vous avez des opinions sur mes vêtements, mon corps. Si je porte ce qui est confortable, je ne suis pas une femme. Si je me débarrasse de ces couches de vêtements, je suis une salope".
Ouvertement bisexuelle, chose encore très peu avouée dans le monde (vraiment rétrograde, lui) du foot, consciente de la fascination qu'elle produit, Alisha Lehmann est peut être beaucoup trop libre pour certains.
Comme pourrait l'être une autre championne, la superstar brésilienne du skate Letícia Bufoni, ultra suivie - 4 millions de followers - et déployant des photos glamour elles aussi hyper décomplexées.
Maillots de bains, lingerie, poses "sexy"... La reine de la planche revendique à l'unisson son corps, sa sexualité, affole les foules, et quelque part, fait rager à travers ses séries de photos tous ceux qui ont le jugement certainement trop hâtif. Mais l'intention est claire. Comme une manière de dire : et si on laissait juste les femmes tranquilles ? Pour certains hélas, le challenge est encore plus ardu qu'une Coupe du monde.