Malaise TV. La BBC s'est vue obligée de présenter ses excuses à l'équipe de football féminin marocaine. La raison ? En pleine Coupe du monde féminine, un journaliste britannique a posé le 23 juillet dernier la question qui fâche, lors d'une conférence de presse. A Ghizlane Chebbak, la capitaine, le professionnel a effectivement demandé : "Au Maroc, il est illégal d'avoir une relation homosexuelle. Avez-vous des joueuses lesbiennes dans votre équipe et à quoi ressemble leur vie au Maroc ?".
Une interrogation qui a jeté un sérieux blanc, lors de cet échange qui a pris place à Melbourne, en Australie. Et ferait partie de la catégorie des questions "inappropriées" : un excellent euphémisme pour désigner les sujets tabous. Il faut dire qu'être gay, et lesbienne, est un fait interdit au Maroc, synonyme d'une peine pouvant aller jusqu'à trois ans d'emprisonnement, et 1 200 dirhams d'amende. L'homosexualité est encore aujourd'hui désignée comme une "déviance sexuelle" au sein du pays.
Ghizlane Chebbak, relate le Guardian, a "grimacé" en réaction à cette question. Un porte-parole de la Fifa a coupé court à la conversation en tranchant net : "Désolé mais c'est une question très politique".
Poser la question de la condition des femmes lesbiennes, et des footballeuses lesbiennes, au Maroc, a également été considéré comme "contraire à l'éthique" et même "dangereux". En tout cas, trop "hors propos". Alors que la BBC a été incitée à se limiter aux interrogations strictement footballistiques, le journaliste a rétorqué en dernier recours : "ce n'est pas une question de politique, c'est une question de personnes".
Finalement, un porte-parole de la BBC a déclaré deux jours après l'événement : "Nous reconnaissons que la question était inappropriée. Nous n'avions aucune intention de causer du tort ou de la détresse". Faut-il voir dans ce mea culpa une forme d'autocensure ? Les voix s'entrechoquent, relate le Guardian, alors que certains journalistes anglophones y ont surtout vu un manque de "justesse" : demander à une capitaine si certaines de ses coéquipières sont lesbiennes pourrait effectivement mettre en péril le sort de ces sportives.
C'est d'ailleurs ce qu'affirme un journaliste sportif, Steph Yang de The Athletic : "Ce n'est pas une question de liberté journalistique. Vous pouvez vous renseigner sur les lois sans mettre en danger les personnes. Ce n'est pas une question appropriée pour une joueuse car cela aurait pu mettre en danger les sportives".