Hourrah : la plateforme de francetv a mis en ligne dans la plus grande gratuité French Connection de William Friedkin, l'un des chefs-d'oeuvre du cinéaste américain (disparu l'an dernier), à qui l'on doit également L'exorciste et Police Fédérale Los Angeles, deux autres pierres angulaires en leur genre. C'est une grande nouvelle car si vous ne l'avez pas rattrapé, cette séance est tout simplement indispensable. Pourquoi ?
C'est simple. Réunissant Gene Hackman, Roy Scheider et Patrick McDermott, ce classique du Nouvel Hollywood - le cinéma des années 70, marqué par les oeuvres de Francis Ford Coppola, Sidney Lumet, Michael Cimino, Martin Scorsese, Robert Altman - est également le grand vainqueur des Oscars 1972. Il récoltera l'Oscar de la Meilleure réalisation et du Meilleur acteur, du du Meilleur scénario adapté et du Meilleur montage, sans oublier le Meilleur film... Et c'est mérité. Car ce thriller à rattraper sur cette page est une révolution...
Pour vous en expliquer la raison première, il faut s'attarder sur la conception exceptionnelle de ce projet fou au budget de 1,5 million de dollars. Et sur la note d'intention qui en est à l'origine : réaliser un thriller/film noir... comme un documentaire. Avec des courses poursuites de dingue à l'appui. Un mix improbable.
Effectivement, French Connection va révolutionner le genre du film policier, du film d'enquête, et quelque part, du film d'action. Sans French Connection, pas de Die Hard III, par exemple - Une journée en enfer, le troisième opus des aventures du flic désabusé John McLane (Bruce Willis). Issu du milieu du documentaire, William Friedkin décide au tout début des seventies d'adapter sa mise en scène au cinéma populaire.
Son film est plein d'inspecteurs très borderline et de truands, de fusillades et de poursuites, mais on a l'impression de voir le réel défiler sous nos yeux. L'oeuvre dévoile un souci de réalisme tout simplement hallucinant.
Caméra à l'épaule assurant un effet de nervosité, plans tremblotants, détails dingues (de la vapeur qui sort de la bouche des comédiens, témoignant d'un froid véritable éprouvé sur le plateau), séquences qui semblent saisies de façon chaotique (lorsque la lumière du soleil recouvre l'écran par exemple), tous ces éléments font de French Connection un film hyper naturaliste. On a plus l'impression de regarder une fiction.
A cela, faut-il encore ajouter des improvisations tout aussi improbables, comme ces fois, relatent nos confrères d'Allociné, où le cadreur Enrique Bravo n'a pu s'aider de rails de travellings pour concevoir ses plans et a dû avoir recours... A un fauteuil roulant. Assis dessus, poussé par l'équipe, il s'assurait alors, caméra dans les bras, de capter les séquences les plus fluides et limpides possible. Des techniques qui font un peu penser à celles que déploiera un autre petit génie américain, Sam Raimi, sur le tournage du film d'horreur Evil Dead.
Cette réalisation hypermoderne et avant-gardiste fait de French Connection une leçon de prouesse technique. Un produit anti glamour, anti idéaliste, brutal : anti-hollywoodien. Friedkin a même incité ses stars à suivre de vrais inspecteurs pour se mettre le plus possible dans la peau de leurs personnages et reproduire leurs gestes. Mais là où ses idées font merveille, c'est lors des scènes d'action, hallucinantes. Notamment une course poursuite à pleine blinde en plein New York, où la réalité de ce qui est filmé scotche d'autant plus au siège. On en vient à craindre pour la vie de Gene Hackman, et des cascadeurs impliqués dans ce climax traumatisant.
Allez, on ne fait pas prier, et on rattrape cette leçon de maître.