"Je vois des gens qui sont morts". On se rappelle tous de cette réplique du troisième long-métrage - mais premier film américain, et premier immense succès planétaire - du cinéaste d'origine indienne M Night Shyamalan : Sixième Sens. Prononcée par Cole (Haley Joel Osment), gamin sévèrement tourmenté, à l'adresse du docteur qui l'accompagne (Bruce Willis) cette ligne de dialogue représente, par ce qu'elle implique en fin de métrage, l'un des plus grands "twist ending" (retournement de situation) du cinéma des années 90.
>> Mais c'est quoi ce film d'horreur hyper dérangeant (et français !) qui a triomphé à Cannes ? <<
Un twist ending, c'est cette fin inattendue, censée renverser le public et faire imploser son cerveau. Comme la révélation de l'identité du tueur dans Scream, celle du machiavélique Keyser Soze dans Usual Suspect, la résolution tragique de Shutter Island, bref, on connaît... Point commun entre Sixième Sens et tous ces noms ? Le film est si bon que, même si l'on connaît le fin mot de l'histoire, le revoir est un plaisir. Et n'hésitez pas à expérimenter la chose : Sixième Sens est disponible gratuitement en streaming sur la plateforme de francetv. Il suffit de s'inscrire (gratuitement) et de se rendre sur cette page.
Une sympathique façon de renouer avec une fiction qui a su traumatiser son temps. Pourquoi donc ? Petites piqûres de rappel pour la forme...
Comme détaillé plus haut, Sixième Sens n'est pas un premier film - Shyamalan en était déjà à deux longs métrages au compteur, sortis au sein de sa contrée d'origine - mais il en a tout l'air. Car les obsessions de son auteur, celui de Signes, Le village, The visit et autres Split, s'y dévoilent déjà. Par exemple ?
En vrac : goût du suspense et de sa mise en scène élaborée directement hérité du cinéma d'Alfred Hitchcock - auquel Shyamalan emprunte le gimmick d'apparaître en mode caméo dans tous ses films - jeux constants entre le réel et le surnaturel (une belle définition du fantastique : quelque chose vient perturber l'ordre naturel du quotidien), empathie pour des personnages vulnérables et influençables, minimalisme dans les effets cependant synonyme d'une trouille amplifiée... Un tour de force.
C'est parce qu'il impose directement les bases de l'univers d'un maestro du genre que Sixième Sens compte autant. Egalement, car il est indissociable de l'une des plus belles années du septième art. En 1999, le public vient se prendre la baffe Sixième Sens en pleine face au sein d'une année où s'alignent Fight Club, Matrix, Virgin Suicides, Magnolia, Eyes Wide Shut, Toy Story, La menace fantôme, American Beauty... N'en jetez plus.
C'est une année magique que celle qui nous annonce une future décennie, les années 2000, en clôturant une décade extrêmement riche en révélations : David Fincher, les Wachowski, Quentin Tarantino, Paul Thomas Anderson, James Gray, Steven Soderbergh... Et donc, M Night Shyamalan, Manoj Nelliyattu Shyamalan de son nom complet, qui avec Sixième Sens récoltera deux nominations aux Oscars. Bien mérité.
On s'y replonge avec nostalgie alors que le prochain long du maître est prévu pour le 2 août. L'histoire ? Un père de famille est bloqué à un concert avec sa fille alors qu'un tueur est traqué dans la salle. Mais si le tueur... C'était lui ? Le pitch est dingue, ça s'appelle Trap, et on s'impatiente de le découvrir.