CINÉ SÉRIE
Kaiju No.8 : les acteurs de l'anime nous dévoilent les coulisses du doublage VF, "Franciser les anime ? Le public n'aimerait plus ça aujourd'hui"
Publié le 18 août 2024 à 16:00
Par Quentin Piton | Journaliste Séries - Ciné
Journaliste spécialisé dans les séries, le cinéma, mais également les anime et mangas. Passe son temps à rêver d'Emma Watson, considère Olivier Giroud comme le GOAT et refuse de parler avec ceux qui sont contre la vérité absolue qui est : How I Met Your Mother est une meilleure série que Friends.
Rendez-vous en 2025 pour découvrir la saison 2 de Kaiju No.8 sur Crunchyroll. Mais afin de vous faire patienter jusqu'aux nouvelles aventures de Kafka et Reno, Purebreak vous propose de plonger dans les coulisses du doublage VF grâce à notre interview des acteurs Adrien Antoine et Alexandre Nguyen, mais également de la directrice artistique Jessie Lambotte.
Bande-annonce de Kaiju No. 8 / Kaiju No. 8 saison 2 : une suite déjà confirmée pour l'anime, ce que l'on sait déjà sur les prochains épisodes © JAKDF 3rd Division / Naoya Matsumoto / Shueisha
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Dans les coulisses de Kaiju No.8, l'anime de 2024

Le 13 avril 2024, TV Tokyo (Japon) et Crunchyroll (Japon) entamait la diffusion de la saison 1 de Kaiju No. 8, le nouvel anime du studio Production I.G, adapté du manga de Naoya Matsumoto. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que ce nouveau projet a été une réussite incroyable cette année. En seulement douze épisodes, l'équipe créative a su nous bluffer et à nous offrir du très grand spectacle. Une réussite que l'on doit autant à l'histoire qu'aux scènes de combats incroyables, mais également à son doublage. Que ce soit en VO ou en VF, les comédiens ne trichent pas et donnent tout ce qu'ils ont pour nous faire vibrer.

Ca tombe bien, alors que Production I.G a récemment annoncé le retour de l'anime pour une saison 2 en 2025, Purebreak a eu la chance d'interviewer l'équipe derrière la VF de Kaiju No.8. Durant près de 20 minutes, on a ainsi pu parler des coulisses du doublage auprès de Adrien Antoine (Kafka), Alexandre Nguyen (Reno) et Jessie Lambotte (directrice artistique). Et comme vous pouvez le découvrir ci-dessous, c'est aussi passionnant qu'instructif.

Kaiju No.8 : de gauche à droite : Adrien Antoine (Kafka), Jessie Lambotte (directrice artistique) et Alexandre Nguyen (Reno) © Crunchyroll
Notre travail est vraiment de refaire ce qui a été fait en VO

Prépare-t-on sa voix différemment quand on s'apprête à doubler pour un anime ?

Adrien Antoine : Ce n'est pas le même exercice. Les contraintes, quand on double un acteur en live, sont quand même plus serrées, on a moins de libertés, c'est peut-être un peu plus compliqué de rentrer dans l'image. Alors que le dessin nous offre un peu plus de souplesse dans notre mode d'expression. On a plus de liberté. Ce n'est pas exactement la même chose. Après, en termes de voix, ça se mesure plutôt en énergie. On aura de toute façon jamais la même voix que l'acteur, donc on essaie plutôt de travailler sur l'énergie. Et ensuite, c'est la voix qui suit.

Alexandre Nguyen : Je n'ai pas de préparation spécifique, je traite vraiment tous les projets sur lesquels je travaille de la même manière. C'est juste l'énergie qui va changer. Je ne vais pas donner la même intensité de jeu que si c'est un Ichikawa sur Kaiju ou un Yuta dans Jujutsu Kaisen ou un Ryder de Pat' Patrouille. C'est plus une énergie globale, si on va être plutôt posée, ou si on va être plus dans l'expression. Je ne prépare pas ma voix particulièrement, je ne fais pas d'exercices de diction, même si je devrais parfois (rires). Mais en soi, il n'y a pas de préparation, parce que le travail est déjà sur la table. Notre travail est vraiment de refaire ce qui a été fait en VO, il n'y a pas vraiment grand-chose à préparer, si ce n'est être attentif, focus sur ce qui se dit, ce qui se fait et retranscrire au mieux l'émotion donnée.

AA : Après, il peut y avoir aussi sur certains dessins animés, de cartoons, une demande de créativité dans les voix. Avec des voix aiguës, de dessins animés, mais sur Kaiju ce n'était pas vraiment le cas.

Les acteurs Japonais possèdent une façon de jouer plus intense et différente de ce qui se fait en France. Comment arrive-t-on à garder ce juste milieu entre "préserver ce qui a été fait" et "rester naturel" ?

Jessie Lambotte : Comme le japonais est quelque chose d'assez éloigné du français, l'idée est toujours d'être très sincère dans le jeu, mais avec des émotions qui sont poussées très très haut. C'est un équilibre à trouver, de ne pas être dans la caricature, mais d'être dans une émotion plus-plus, tout en étant sincère et juste. C'est ça qui n'est pas forcément évident, parce que la musicalité japonaise, si on la reproduit à l'identique, en français ça sonne très faux.

Et même si les méthodes de jeu sont différentes, vous faites toujours l'effort d'écouter la VO en amont de votre doublage ?

AN : Oui. Systématiquement, sur tous les projets sur lesquels on travaille. Parce que notre travail, c'est de retranscrire ce qui a déjà été fait. On est obligé d'écouter pour être vraiment au plus proche.

Kaiju No 8 : dans les coulisses du doublage de l'anime © Productions IG / Crunchyroll
Il y a un vrai jeu de ping-pong entre les répliques

La force de l'anime Kaiju n°8, c'est que malgré des enjeux plus personnels pour Kafka, cela reste un anime d'ensemble avec un vrai travail d'équipe, unie par une même mission. Pour le doublage, vous avez donc pu être en groupe pour apporter encore plus de réalisme aux scènes ?

AA : Malheureusement, on n'a pas toujours pu être ensemble, pour différentes raisons. Des raisons parfois de disponibilités des comédiens, des raisons de temps, mais aussi techniques. Dans Kaiju, les personnages parlent souvent ensemble, on se retrouve souvent avec des répliques dites les unes sur les autres et techniquement, il faut tout séparer. Il faut que tout soit fait sur une piste à part. Ce qui fait que, finalement, ce n'est pas forcément mieux d'être ensemble que d'être séparé et de se concentrer sur son personnage.

JL : Il y a certains personnages un petit peu moins présents sur lesquels c'est plus facile, par rapport à une question de planning, de les faire travailler ensemble. Par exemple, les personnages d'Haruichi Izumo et Aoi Kaguragi, la plupart du temps, sur toutes les sessions, ils étaient ensemble. Mais c'est assez rare.

Et ça change quelque chose de travailler en solo sur de tels doublages ?

AN : Ça dépend du personnage, mais c'est toujours mieux d'être ensemble. Il y a une plus grande richesse de jeu, on se répond réellement, même si on s'écoute les uns les autres. C'est toujours plus agréable, car il y a un vrai jeu de ping-pong entre les répliques. Ce qu'on n'a pas forcément quand on est tout seul. On ne sait pas exactement comment l'autre va dire cette phrase-là. On le devine, car encore une fois, on refait ce qui a été fait en VO, mais il peut y avoir des subtilités en plus, qui fait qu'on peut se dire 'Ah mince, ç'aurait été intéressant qu'on le fasse ensemble, parce qu'il a mis une petite pointe d'émotion là et j'aurais pu lui répondre comme ça'.

AA : Je suis d'accord. C'est vrai qu'à deux, on va être plus créatif aussi, plus intuitif, on va se laisser surprendre par son partenaire. Jouer des choses d'une façon différente que si on les fait tout seul. Forcément, il y a une complicité qui se met en place et l'énergie qui va être différente. Surtout pour les comédies. En mode ping-pong, c'est vraiment compliqué de les faire seuls. Mais ça fait aussi partie de notre spécialité, du doublage. Parfois, il faut imaginer les réponses de l'autre, anticiper. Ça fait aussi partie de ce travail.

Kaiju No 8 : dans les coulisses du doublage de l'anime © Productions IG / Crunchyroll
Quand ça s'est su que j'avais commencé Kaiju, pas mal de comédiens m'ont approchée

En très peu d'épisodes de Kaiju n°8, on a l'impression de découvrir plusieurs Kafka : parfois un peu loser, parfois un peu gamin excité, parfois badass... Ce n'est pas épuisant de jouer autant de facettes ?

AA : Je trouve qu'il a quand même une certaine cohérence. Il est juste assez émotif (rires). Mais ce que j'aime beaucoup dans ce personnage, c'est ce côté anti-héros, j'aime bien ces personnages-là. Ça les rend humains, c'est assez facile de s'y identifier. Les passages où il y a beaucoup de ruptures, de jeu, dans ces moments-là, on ne pense pas trop, on est vraiment dans l'interprétation, on joue les émotions.

A l'inverse, Reno est assez calme, souvent sur le même rythme. Est-ce compliqué de réussir à lui trouver une mélodie vivante pour éviter que l'on s'ennuie en l'écoutant ?

AN : Personnellement, ça va. Je trouve que je suis plutôt bien dirigé. (Il s'adresse à Jessie Lambotte) Et je dis 'plutôt' parce que je ne veux pas que tu aies la grosse tête. Et le texte est bien. Donc quand on a ces paramètres-là qui sont réunis, c'est toujours plus facile de faire le travail. Puis j'aime bien les mangas de manière générale et Reno, c'est un personnage que j'ai cerné assez rapidement. Du coup, ce n'était pas difficile. C'est un personnage qui est vraiment type, dans le sens où il n'est pas trop compliqué dans ses émotions, il est prévisible pour moi, c'est facile de l'accompagner.

Comment s'est passée la constitution de l'équipe ? Vous avez regardé l'anime afin de vous faire une idée sur les acteurs idéaux ? Des acteurs vous ont-ils contactée pour obtenir un rôle dans la série ?

JL : Quand ça s'est su que j'avais commencé Kaiju, il y a pas mal de comédiens qui m'ont approchée en me disant, 'Oh la la, j'aimerais bien participer, j'adore cette série, j'aimerais beaucoup être dessus'. Mais le casting était déjà constitué. Je crois que c'est la première fois que ça m'arrive, qu'on m'appelle en me disant 'Ah, tu fais cette série ? J'aimerais trop être dessus'. Et il y avait beaucoup de clients pour Kafka, c'était très drôle. La preuve que cette série était très attendue, même parmi les comédiens français.

Mais pour constituer l'équipe, il y a des évidences. On regarde le premier épisode et puis on essaie de réfléchir à des comédiens qui ont des voix qui correspondent aux voix japonaises. La jeunesse de Reno Ichikawa, la voix grave de Kafka... On connait les comédiens, du moins leur travail et l'énergie qu'ils peuvent dégager à travers leur façon de jouer. Ça rend le casting évident, en se disant que cette personne-là a la voix qui correspond à la VO et qu'elle a l'énergie qui correspond au personnage.

Kaiju No 8 : dans les coulisses du doublage de l'anime © Productions IG / Crunchyroll
Franciser les anime ? Le public n'aimerait plus ça aujourd'hui

Quelques années en arrière, les animes étaient parfois très francisés au niveau des blagues, des références, des noms. Pensez-vous que cette méthode a encore sa place aujourd'hui ? Avez-vous tenté d'apporter votre touche à la série ?

JL : Pour le coup, ce n'est pas vraiment notre travail. Ça va être celui de l'adaptateur, de l'auteur, qui va écrire l'épisode et on nous livre un épisode qui a déjà été écrit en français. Donc parfois, en plateau, on peut changer quelques petites choses qui ne nous paraissent pas très cohérentes, pas très compréhensibles, mais ça n'est pas notre travail. Donc ces choix-là, on ne les fait pas.

Mais j'ai le sentiment qu'avec les années, plus ça va et plus on va garder des références plutôt japonaises et moins francisées. Parce que l'anime et le manga ont pris plus d'importance dans la pop-culture française qu'il y a 20 ans, on a moins besoin de franciser ces références-là. Et je pense qu'elles seraient mal venues. Le public n'aimerait plus ça aujourd'hui.

Les fans d'anime sont les premiers à accepter et à saluer la VF, mais ce public peut également se montrer très protecteur envers une oeuvre qu'il suit depuis plusieurs années à travers son manga. Aussi, avez-vous une préparation spécifique pour vos rôles ? En lisant par exemple les mangas dont il est question...

AA : L'une des caractéristiques du doublage, c'est que l'on travaille dans l'immédiateté. Il y a rarement un travail de préparation. On est dans l'instant, on arrive, on regarde une scène et on la joue. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne s'intéresse pas à ce qu'on double. Simplement, on est dans un rythme un peu rapide. Surtout, sur un manga/anime, on aime bien être sur l'énergie de jeu. Il pleure, il rit, il est en colère ? Bah on va jouer ça. C'est ce qui va primer. Et évidemment, on a toujours un directeur artistique qui nous contextualise, qui nous explique l'histoire. C'est un métier en général où on est vraiment dans l'immédiat.

AN : Le truc, c'est que nous, on n'a pas de pré-script et on ne nous envoie pas les films/épisodes en avance pour qu'on puisse les voir, parce que souvent, c'est confidentiel. Donc en tant que comédien, on n'a pas ce plaisir de voir les projets en avance. Du coup, c'est vraiment tout de suite. Il n'y a pas de préparation. Alors que les fans soient très protecteurs ou non, nous, on fait du doublage, on fait notre travail du mieux qu'on peut.

Et une fois la diffusion enclenchée, faites-vous attention aux retours du public ? Avec des anime qui peuvent s'étaler sur plusieurs saisons, vous arrive-t-il de ressentir la pression de maintenir votre niveau de performance, de ne pas décevoir les fans en "perdant" votre interprétation ?

AN : Je pense qu'il y a une petite part de pression pour moi. Par exemple, sur Vinland Saga, je sais que les gens avaient adoré la première saison et du coup, ça m'avait personnellement mis une petite pression sur la saison 2. Sauf que dans la saison 2, le personnage que je doublais n'avait plus du tout la même énergie, il était devenu hyper mou, flat, il n'y avait plus d'envie guerrière... Je me retrouvais un peu en mode 'Merde, moi qui voulais tout donner encore, ça va être compliqué (rires). Mais allons-y'.

Après, j'essaie de ne pas trop en tenir compte. Si ce n'est pas constructif, ce n'est pas intéressant. Si ça l'est, et que je vois quelqu'un qui m'envoie un message en me disant, 'ça c'était super cool, par contre ça, pour le personnage, ç'aurait été vachement intéressant que tu le fasses comme ça', bah je vais je garder en tête pour la prochaine fois.

Merci à Adrien Antoine, Alexandre Nguyen et Jessie Lambotte pour leur précieux temps et à Crunchryoll pour cette opportunité. Kaiju No.8 est toujours disponible en intégralité sur la plateforme Crunchyroll.

Propos exclusifs. Ne pas reprendre sans citer Purebreak.

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