C'est l'histoire d'une société, la nôtre, où cohabitent humains et "créatures" : des entités mi-hommes mi-animaux qui le sont devenues suite à une globale mutation. Formes mutantes enfermées dans des instituts, étudiées, source de peur et de haine. Mais le voyage initiatique d'un jeune garçon en compagnie de son père, à la recherche de sa mère disparue (elle aussi mutante) pourrait être bien marquer les prémices d'un grand bouleversement.
Ca c'est le pitch singulier du film Le Règne animal, oeuvre fantastique (dans tous les sens du terme) à découvrir dès à présent en salles. Pourquoi donc ? Car cette histoire détonne dans le petit monde du cinéma français. Qu'elle est source d'effets spéciaux étonnants, de trouvailles visuelles qui marquent la rétine.
Que son réalisateur, Thomas Cailley, ne fait qu'un film tous les dix ans : le précédent, Les combattants (2014), a valu un César à Adèle Haenel. Et à son metteur en scène donc, lauréat de la statuette du Meilleur premier film.
Autre chose ? Oui : on y trouve un Romain Duris à fleur de peau, très impliqué émotionnellement, et un jeune acteur prometteur, Paul Kircher. Mais aussi des séquences qui renvoient autant aux animés d'Hayao Miyazaki qu'au sens du merveilleux d'un Steven Spielberg. Et... Ce n'est pas tout.
Le Règne Animal, à peine sorti en salles, bénéficie déjà d'un accueil critique dément. Florilège : "Le film qu'on attendait pour provoquer une salutaire déflagration dans nos consciences", "Énorme ambition. Énorme résultat : Le Règne animal impressionne, touche au coeur et flatte la rétine", "Un long-métrage poétique et bouleversant, au final inoubliable. Le genre de proposition qu'on ne peut pas refuser", ""Le Règne animal", mine de rien, est un passeport pour l'avenir (de la salle, du cinéma, de l'espèce)". Rien que ça oui !
Il faut encore que le public suive. Et le projet le mérite à fond. Car très ambitieux visuellement avec ses décors vertigineux (des forêts tout droit issues des contes, des champs infinis qui nous renvoient aux films de frousse de M. Night Shyamalan), Le règne animal l'est tout autant scénaristiquement : hybride des genres (comme ses personnages) il concilie teen movie, allégorie sociale, body horror, fable animalière et drame familial...
Mais ce qui nous foudroie plus encore durant cette séance c'est la propension du film à glisser vers l'épique, le cinéma dans ce qu'il a de plus euphorique et sensationnel, tout en restant à hauteur d'hommes. Ou d'animaux, c'est selon. Une intention qui, encore une fois, rappelle celle des meilleures grosses machines hollywoodiennes. Sauf que l'aspect intimiste du film, elle, est clairement de nature européenne.
C'est beau, c'est troublant, surprenant, dévastateur émotionnellement, et trop en dire reviendrait à gâcher une partie du plaisir : plus qu'un film, c'est une expérience qui vient d'ailleurs.