Fianso a longtemps eu l'habitude de faire rentrer d'éventuelles futures légendes du rap "dans le cercle". Mais on ne s'attendait pas forcément à le voir rentrer lui-même dans Le Cercle : l'émission ciné de Canal. C'est largement chose faite désormais. Car Sofiane Zermani de son nom complet aligne les partitions de comédien, et 2023 semble être son année.
Celui qui a brûlé les planches à Avignon en interprétant Gatsby le Magnifique squatte les cinés en ce mois de novembre avec deux sorties remarquées, ou qui mériteraient de l'être beaucoup plus. On le retrouve effectivement dans Avant que les flammes ne s'éteignent, récit inspiré du combat d'Assa Traoré, où flamboie - logique - l'une de ses consoeurs musiciennes, la Césarisée Camelia Jordana. Mais aussi dans le beaucoup plus troublant La vénus d'argent, où, là encore, une autre chanteuse nous épate : Claire Pommet, alias Pomme. De la musique à l'écran, étonnante thématique qui relie tous ces artistes.
Deux films d'auteur, deux regards très différents sur notre société, deux portraits puissants de femme. Et alors, Fianso là-dedans ? Eh bien, il assume deux rôles très opposés, si ce n'est complètement antinomiques l'un et l'autre. On ne peut pas lui reprocher de rester dans sa zone de confort, c'est clair.
Mais ça donne quoi au juste ?
Fianso, ou plutôt Sofiane Zermani, est-il un bon acteur ?
Ce qui est clair, c'est qu'il n'a pas peur de se mettre en danger. Dans La vénus d'argent, récit d'une jeune femme de milieu populaire déterminée à investir le monde de la Bourse, le rappeur incarne un trader sans foi ni loi, aussi solide moralement parlant qu'un influenceur pas très regardant sur les partenariats non déclarés. Aussi anti héroïque que le Gordon Gecko du film Wall Street.
C'est un rôle en or : d'un côté, l'acteur se joue subtilement d'un côté bling bling qu'on associe forcément au rap. L'espace d'une scène, il monologue d'ailleurs sur l'importance de la sape, et on se dit que SCH opinerait du chef. Mais de l'autre, son personnage, d'un point de vue éthique, est aux antipodes des valeurs "street cred" que Fianso a pu déployer dans ses titres.
C'est une partition qui, comme celle de Pomme d'ailleurs, fait l'effet d'un contrepied et devrait aussi bien captiver que dérouter une grande partie de sa fanbase. Pour le meilleur, on l'espère. "Sofiane" n'en fait pas trop, confère ce qu'il faut de solidité et d'arrogance à son alias de cinéma. On n'a jamais vraiment l'impression de voir une star du rap "se la jouer acteur" : plutôt celle, plus rassurante, de voir un vrai comédien s'amuser. Et nous avec !
Avant que les flammes ne s'éteignent surprend moins son audience. Peut-être car là où La vénus d'argent valorise une certaine ambiguïté, et un univers visuel beaucoup plus riche (on se rapproche presque d'un Drive par moments !), ce long métrage social prend ouvertement parti pour ses protagonistes, et leurs luttes. Dans la peau d'un électron libre nerveux, indigné par les violences policières, Sofiane Zermani délivre donc un jeu plus prévisible, moins complexe, et répond davantage aux attentes d'un public conscient de ses engagements et de ses colères personnelles.
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Plus anecdotique alors ? Pas forcément. On se retrouve plus face à une sorte d'excroissance à l'écran de ses propres convictions d'artiste musical. Dans les deux cas, force est de constater que l'acteur se joue d'un art du grand écart que n'aurait pas renié Jean-Claude Van Damme (lequel hélas n'a jamais fait de rap). On attend désormais des performances plus audacieuses encore. Jusqu'au chemin assuré des César ?