Il a fait tourner des stars hollywoodiennes de prestige : Nicole Kidman, Kirsten Dunst, Uma Thurman, Shia Laboeuf, Matt Dillon... Mais aussi des icônes atemporelles, comme Catherine Deneuve, Bjork, Charlotte Gainsbourg. Aucun de ses films ne se ressemble. Si ce n'est à travers quelques obsessions : mort, mélancolie, meurtres, sexe... Et une furieuse envie de bousculer les tabous, notre confort, notre regard.
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Lui, c'est Lars Von Trier, le plus connu des cinéastes danois. Très polémique, autant pour ses oeuvres que pour ses propos foncièrement provocateurs en conférence de presse, le réalisateur aime les réactions exacerbées. Mais son cinéma radical ne doit pas être réduit à ses scandales. Depuis le 12 juillet, une rétrospective exceptionnelle permet justement de retrouver tous ses films en versions non censurées.
A l'initiative de la chose, Les Films du Losange déploient ses quatorze longs métrages en versions restaurées dans une sélection de salles au sein de la capitale. C'est notamment au Champo qu'il faut foncer pour vivre ces expériences aussi intenses émotionnellement que fertiles intellectuellement.
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Et vous feriez mieux d'y courir. Non sans vous préparer psychologiquement tout de même. Parce qu'il n'y a pas que Barbie dans la vie, on vous donne quelques très bonnes raisons de foncer en salles.
Le cinéma de Lars Von Trier, c'est à la fois une plongée directe en Enfer, et une illumination qui tient du mystique. Au premier abord, on retient ses exploits : remporter la Palme d'or en proposant la seule vraie grande excursion de Bjork au cinéma (le mélodrame ultra poisseux Dancer in the dark, qui détourne les codes de la comédie musicale), imaginer un film porno avec Charlotte Gainsbourg (les cinq heures trente des deux volumes de Nymphomaniac), réaliser le film de tueur en série le plus trash jamais fait - son dernier long en date, The House That Jack Built, qui se permet de tout montrer, surtout ce que l'on ne veut pas voir.
Oui, Lars Von Trier, c'est ça : un grand théâtre de la cruauté, où se mélangent séquences explicites, ultraviolence physique et/ou psychologique, personnages autodestructeurs, désespoir ambiant à se tirer une balle. Mais qu'il dépeigne la traque d'un serial killer (dès son premier film, Element of crime), les "péripéties" sanglantes d'un couple (Antichrist, où il met en scène une castration), ou la dépression dévastatrice de Kirsten Dunst (dans Melancholia, qui relate... la fin du monde !), le réalisateur concilie toujours une précision extrême, dans sa composition des plans, à une chose qu'il semble chérir plus que tout : le chaos.
Ce n'est pas le moindre des paradoxes d'un artiste qui, entre deux séquences chocs, ponctue ses oeuvres d'un humour noir bien carabiné, ne se contente pas de faire souffrir avec sadisme son public, et ses personnages, mais s'émancipe toujours des limites de ce que l'on peut montrer pour servir un discours philosophique d'une rare complexité, sur la vie, l'amour, la mort, la création, la culture. Il y a toujours mille couches dans ces fresques d'une grande densité qui bousculent nos repères, notre morale, notre rapport au réel : c'est le cas notamment de sa déchirante romance Breaking the waves, l'un de ses meilleurs films.
Tu le devines, pas de tout noir, ou tout blanc, chez "LVT", mais une invitation à penser par-delà nos préjugés. De la même manière, si le sort de ses héroïnes s'énonce constamment sous le signe du sacrifice, de la douleur, du deuil (oui, tu devines qu'on est loin de la comédie familiale), Lars Von Trier n'a de cesse de les mettre au premier plan, même dans ses récits les moins aboutis. C'est autour des femmes que gravitent les mondes qu'il déploie : dans Nymphomaniac par exemple, il érige la sexualité débordante de sa protagoniste en pouvoir. Les rapports de force s'inversent et les hommes deviennent des proies, imbéciles et manipulables.
Les interprètes de ces personnages féminins témoignent d'ailleurs toujours d'une implication émotionnelle totale à l'écran. Ainsi, c'est indéniablement dans Melancholia qu'une actrice comme Kirsten Dunst a délivré la meilleure performance de toute sa carrière. Un rôle qui lui a même valu une récompense à Cannes. Bien sûr, pour goûter à ces jeux jusqu'au boutistes, il faut ouvrir son esprit en (très) grand. Et ne pas craindre de se brûler les doigts. En sortie de séance, les débats enflammés entre amis sont garantis.
Une chose est certaine : ce que l'on voit dans les films de Lars Von Trier, on ne le voit nulle part ailleurs. Atteint de la maladie de Parkinson, le réalisateur danois ignore encore s'il pourra revenir à la mise en scène un jour. Les projections de ses films en versions non-censurées permettent de lui faire honneur.