Le regard de Kirsten Dunst, les premières notes lancinantes du Playground Love de Air (vive la France), la beau gosse attitude presque obscène de Josh Hartnett (vive les années 90), cette mélancolie dévastatrice... On a mille et une raisons de se souvenir de l'un des plus beaux films des nineties : Virgin Suicides.
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Grâce à l'éditeur Carlotta et le distributeur Pathé, le premier long-métrage de Sofia Coppola (Lost in translation, Marie Antoinette) réapparaît cet été sous la forme d'une splendide restauration en 4K. Une ressortie en salles exceptionnelle qui nous permet de (re)découvrir au cinéma l'histoire des soeurs Lisbon. Dans une banlieue pavillonnaire américaine moyenne des années 70, ces quatre jeunes femmes vont progressivement subir, suite au suicide de leur très jeune soeur Cecilia, un climat familial de plus en plus anxiogène.
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Virgin Suicides nous plonge dans leur isolement progressif, leur éducation très stricte (et religieuse) mais surtout, le regard, fasciné et fantasmagorique, que leur voue les garçons alentours. Un film qui a marqué son temps. Et qui a toutes ses raisons de revenir en force aujourd'hui. Pourquoi ? C'est simple...
Certes, Virgin Suicides ne sera pas le film le plus fun de ton été. Mais à le revoir en 2023, on se dit qu'il n'a pas pris une ride. C'est normal : en déployant une bande originale hyper rétro (le hit I'm not in love de 10cc, les Bee Gees, Carole King, le girls band mythique de hard rock Heart) et en noyant ses cadres de lumières vaporeuses tout droit sorties d'un rêve (ou quand Sofia Coppola préfigure les filtres Instagram !), la cinéaste a délivré un film tout simplement atemporel.
Le spleen de Virgin Suicides, et la dimension aérienne de sa mise en scène, glissant vers l'onirisme (notamment lorsqu'il est question de dépeindre l'étrange période succédant au décès de Cecilia) contribuent à cet aspect "rêve éveillé", et alors que les choix musicaux et vestimentaires nous renvoient aux années 70, les stars présentes à l'écran (Kirsten Dunst dans son premier grand rôle "adulte", Josh Hartnett) sont, elles, des icônes totales des années 90. D'où cette impression de planer au-dessus du temps, d'une époque à l'autre. C'est pour cela que cette oeuvre ne vieillira jamais.
Forcément, dans une ère aussi nostalgique que la nôtre, Virgin Suicides fait son petit effet. Mais ne brille pas seulement par sa forme. Il y a le fond, aussi. Sofia Coppola, en adaptant le roman éponyme de Jeffrey Eugenides, met l'accent sur les témoignages amers et désabusés des personnages masculins, saisis en off. Par le biais de retours au présent, elle dépeint aussi, pour certains, leur décadence. Dans leur voix, on devine une incompréhension, des regrets, face au sort tragique des soeurs - aucun spoiler : tout est dans le titre !
Résultat ? Virgin Suicides, film écrit et réalisé par une femme sans cesse associée (en 1999 en tout cas) à un modèle masculin encombrant (son propre père), nous propose en définitive un monde majoritairement féminin, où les hommes sont tour à tour idiots, décontenancés, ridiculisés, dépressifs, et surtout, impuissants, face aux femmes, inaccessibles, qui leur échappent. Et ce qu'ils soient ados, parents, psys...
Ici, ce sont bel et bien les filles, et les femmes, qui font tourner la planète, obnubilent, fascinent, engendrent des images, alimentent une aura qui semble même dépasser le réel. Et c'est l'union certes dramatique, mais surtout puissamment sororale, entre les Lisbon, qui viendra clore toute cette histoire. Virgin Suicides, film féministe ? Oui, à deux cent pour cent, et véritable chef d'oeuvre, qui ne demande qu'à être (re)découvert, une journée caniculaire, plongé dans le noir...