C'est l'histoire d'un groupe d'ados pourris gâtés qui dans leur école pour enfants richissimes sont envoûtés par les cours très (très) spéciaux d'une prof de nutrition pas comme les autres. Car à l'instar de bien des "experts" des régimes douteux, Miss Novak est... radicale. Elle promeut de moins manger, puis, de ne manger que des légumes, et enfin, d'adhérer au "Club Zéro" : l'élite de ceux qui ne mangent plus du tout. Le jeûne absolu.
Et la mort annoncée pour nos jeunes héros, dont les parents s'avèrent démissionnaires ? On n'en dit pas plus. Car il y en a des surprises dans Club Zero, farce trash de l'Autrichienne Jessica Hausner à découvrir illico en salles. Sous l'égide de Mia Wasikowska, star d'Alice au pays des merveilles qui détonne en gourou obsédante, cette comédie très noire se paie les crudivoristes, ces spécialistes aux "méthodes" abondamment dénoncées, manipulant les plus vulnérables en leur faisant croire que faire une croix sur l'alimentation traditionnelle aidera à guérir le cancer.
>> "Une monstruosité" : le film qui est allé beaucoup trop loin et a été censuré à l'international <<
Mais le jeu de massacre va bien plus loin qu'on ne pourrait l'imaginer. Ce sont aussi les nouvelles générations, woke, déconstruites, vegan, anticapitalistes, qu'étrille avec un cynisme impitoyable la réalisatrice. Elle le fait avec un concept en or : revisiter Charlie et la chocolaterie, mais à l'envers. Ainsi dans ce film les gosses pourris gâtés (nos protagonistes) guidés par une autorité illuminée ne se goinfrent pas... mais optent pour la famine.
C'est drôle, grinçant à souhait, et troublant. Très.
Passage au crible des plus riches (qui refusent de manger dans un but écolo et égalitaire... alors que leurs déjeuners finissent à la poubelle), histoire de lutte des classes (l'un des adeptes malgré lui du Club Zero doit survivre à cette expérience pour obtenir une Bourse), ironie dévastatrice, malaise... Tout cela te fait peut être penser à un cinéaste : Ruben Ostlund, l'auteur de Sans Filtre. On retrouve effectivement beaucoup du style du cinéaste deux fois Palme d'Or dans cette farce forcément monstrueuse et trash.
Signe de parenté qui ne trompe d'ailleurs pas ? Le vomi. Oui oui, si l'on ne sombre pas dans les débordements presque cartoon de Sans filtre de ce côté-là (pour rappel, l'équivalent d'une croisière entière qui vomit en soute), Club Zero propose tout de même une bonne petite scène bien marquante de ce côté-là. Emétophiles, s'abstenir : vos êtes prévenus.
Ce conte moderne dépeint les vanités de notre époque, sans pour autant refuser toute ambiguïté : ces jeunes auront droit à quelques scènes touchantes, et Miss Novak, à une séquence l'érigeant en victime du patriarcat. Alors que les interprètes redoublent de conviction, la bande originale, entêtante à souhait, nous rappelle le soin maniaque que porte un Wes Anderson à ses soundracks : c'est habité, hypnotique, puissant.
Un sacré film d'épouvante à sa manière donc, comme pouvait l'être un autre élève de Ruben Ostlund : le réjouissant Sick of Myself. Oui oui, il y a quand même pire comme filiation !