Souvenez-vous, 2006, New York, Le Diable s'habille en prada : Anne Hathaway court cheveux au vent dans la rue pour commencer son nouveau travail de journaliste dans un magazine qu'elle ne lit pas car elle est "différente", elle n'est pas superficielle : Runway (partageant de faux air de Vogue). Persuadée que ce job n'est que temporaire et sera son tremplin pour entrer dans le monde du journalisme, du vrai, du sérieux, elle se fait ensevelir sous le travail que lui donne sa boss, l'acariâtre grand manitou de la mode, j'ai nommé Miranda Priestly (jouée par l'inégalable Meryl Streep ), aux faux airs d'Anna Wintour.
Dans son chemin semé d'embûches, Andrea doit également tricoter au côté d'une autre assistante, tenant le pied de grue depuis déjà un moment et résolument plus qualifiée et volontaire qu'elle. On vous en dresse le portrait. Snob, pimbêche au possible, toujours tirée à quatre épingles et carriériste, c'est pour ainsi dire la façon convenable de décrire le tempérament d'Emily Charlton, jouée par Emily Blunt. La demoiselle se tue littéralement à la tâche et incarne comme personne l'esprit de cette industrie : une terreur perchée sur des échasses signées Jimmy Choo. C'est vrai que dit comme ça, difficile de désirer une Emily Charlton dans son entourage.
Elle reste cependant l'un des personnages favoris des fans du film, et autant vous dire que la performance d'Emily Blunt n'y est pas étrangère. La comédienne avait d'ailleurs était nommée au BAFTA de la meilleure actrice dans un second rôle. Logique. Avec un regard de biche aux paupières tombantes, rattrapées par un menton toujours pointé vers le haut pour signifier sa supériorité, l'actrice parvenait à capter sans difficulté l'essence de son personnage.
Une petite phrase assassine par-ci, une remarque tranchante par là, le tout saupoudré d'un bon niveau de terreur lorsque l'ombre de Miranda pesait au-dessus d'elle, Blunt savait capter son aura et l'incarner autant dans sa voix que dans sa physicalité, sans tomber dans le cliché et le racoleur. Et, forcé d'avouer que les personnages de mean girls ont ce petit potentiel d'icônisation auquel Charlton n'a évidemment pas pu échapper.
Malheureusement, si l'interprétation d'Emily Blunt était donc parfaite et à la hauteur de ce personnage marquant, sans qui le film aurait eu une tout autre saveur, tout le monde n'a pas su apprécier sa performance à sa juste valeur. Dans une interview donnée à Page Six lors d'un gala de charité de l'American Institute for Stuttering, la comédienne s'est en effet laissée aller à une drôle de confidence.
Auprès de la presse britannique, elle a confié avec humour qu'après avoir fait découvrir le film à ses deux filles, âgées respectivement de sept et dix ans, ces dernières l'auraient... détestée. "Elles trouvaient que j'étais la personne la plus méchante qu'elles avaient rencontrée". Difficile de rétorquer quoi que ce soit, car tout compte fait, elles ont franchement raison. Seulement, à sept ou dix ans, difficile de dissocier un personnage de son interprète. Ainsi, lorsque deux enfants confondent fiction et réalité, et jugent moralement Emily Charlton, des adultes chérissent son côté sassy, nerveux et prête à tout.
Alors, plutôt du côté des filles d'Emily Blunt ou du côté des fans ? En tout cas, l'actrice - partante pour reprendre son rôle dans une suite, continue de s'amuser du succès de son rôle : "C'est incroyable qu'il ait laissé une si grande empreinte chez les gens, on me le cite toutes les semaines" a-t-elle conclu à Page Six.