Pendant leurs vacances en Toscane, deux couples se lient d'amitié. Quelque temps plus tard, l'un invite l'autre dans leur maison le temps d'un week-end. Mais ce qui devait être une escapade entre amis se transforme en véritable cauchemar. Oui, car figurez-vous que les hôtes sont complètement fêlés : ils ont fait de l'assassinat de parents, du coupage de langues et de l'enlèvement de leur enfant, leur spécialité. Voilà en quelques mots l'intrigue du film dano-néerlandais de Tafdrup, Ne Dis rien.
Sorti en 2022, le film avait fait grand bruit (à l'inverse de ses personnages). Et, comme il fallait s'y attendre, les américains se sont rués sur les droits pour en pondre leur propre version. Ils l'avaient fait pour notre Intouchable avec Kevin Hart et Bryan Cranston, avant de s'attaquer à la série HPI de TF1, ou d'oser mettre la main sur le superbe film danois Drunk de Thomas Vinterberg. Et, aujourd'hui en salles, c'est donc au tour de de Ne dis rien d'être siphonné par la machine hollywoodienne.
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Le problème ? Si ce remake est signé James Watkins (à qui l'on doit l'excellent Eden Lake) et est porté par James McAvoy (Split), il ne fait pas du tout plaisir au réalisateur danois. Dans une interview pour la radio Kulturen, Christian Tafdrup fustige le film. "Je ne sais pas quel est leur problème aux Américains, mais ils baignent dans un conte où le bien doit vaincre le mal et cette version du film va dans ce sens, a-t-il déploré, déçu par le parti pris créatif. Quand j'ai vu le film hier, j'ai compris qu'ils ne réussiraient jamais à faire un film comme le nôtre."
Il est vrai que les USA paraissent souvent vivre du côté de la fiction dans un monde tout noir/tout blanc. La faute à un puritanisme et un patriotisme un peu trop ancrés dans leurs traditions ? Le code Hays est pourtant abrogé depuis la fin des années 1960. Mais il serait cependant erroné de nier le manichéisme des grosses productions américaines (à cela, nous entendons surtout les longs-métrages mainstream). Les gentils triomphent des méchants, la morale héritée du christianisme reste bien en place et la justice fait bien son travail. Et, oui, cette règle est même applicable sur un film horrifique de la trempe de Ne dis rien. Ce que reproche Tafdrup.
"Les personnages dans cette version doivent se battre pour leur famille et vaincre les méchants, a-t-il expliqué, frustré. C'est une fin heureuse en quelque sorte et c'est profondément ancré dans leur culture." Et de pester : "L'Amérique doit toujours s'en sortir."
Vous l'aurez compris, à aucun moment durant la production de Speak no Evil, le danois n'a été consulté ou a minima été contacté. Il s'insurge même d'une fin radicalement différente, bousillant tout ce que son film avait tenté de mettre en place : là où le public aurait dû sortir traumatisé, en proie à de nombreux questionnements, il en ressort en applaudissant, en rigolant gaiement, conforté dans ses petites valeurs habituelles.
En bref, petit conseil aux américains : mettez la dose de budget pour apprendre à vos élèves à lire, aux traducteurs à proposer des sous-titres de qualité, et aux boîtes de distribution à diffuser des films qui, dans leur version originale, valent déjà leur pesant d'or.