Entre nous, vous n'êtes pas trop dégoûtés de ne pas directement doubler les Tortues Ninja ?
Jérémy : Non parce que leurs voix (Bebop et Rocksteady, ndlr) sont très cool et je préfère poser ma voix sur quelqu'un qui n'a pas encore été doublé, plutôt que de me dire 'Je passe après quelqu'un, merde...'
Patrick : Ouais ça aurait été la grosse pression. Et l'impression de voler le rôle à quelqu'un.
Jérémy : Et c'est marrant, parce que du coup les deux personnages sont vraiment potes dans la vraie vie et nous aussi, donc c'est cool.
Et justement, vous avez notamment été recrutés parce que vous êtes amis ou c'est un gros hasard ?
Jérémy : Il n'y a pas de hasard. On a été contacté parce qu'on se connaissait dans la vraie vie et ils voulaient retrouver cette complicité dans le doublage.
Patrick : Exactement.
Si vous aviez pu doubler une tortue, vous auriez choisi laquelle ?
Patrick : Mickey bien sûr !
Jérémy : Moi je sais pas, j'aurais bien aimé doubler Raphael. Ca aurait été marrant, parce que - no spoilers - il a des phrases stylées dans le film, des moments très stylés.
En parlant de spoilers, ce n'est pas frustrant de se faire gâcher le film en doublant les séquences au compte-gouttes ?
Jérémy : En fait, on ne s'est pas tant fait spoiler que ça. Parce que quand on double, on ne voit pas tout le film, on ne voit que notre scène, un petit peu avant et un petit peu après. Mais genre 5 secondes avant et 5 secondes après. Donc on connaissait une partie du film, on connaissait l'histoire du début à la fin de nos personnages, mais on ne connaissait pas le reste. Et c'était une très bonne surprise.
Vous avez pu vous permettre un peu d'impro durant l'enregistrement ou tout était ultra calé ?
Patrick : Non pas du tout. Et c'était très frustrant.
Jérémy : Si, on a pu se permettre quelques impros sur des réactions (des grognements, exclamations, ndlr) mais sur les phrases il fallait vraiment que ce soit très calé pour le montage.
Qu'est-ce que ça fait d'entendre sa voix au cinéma ?
Patrick : On avait peur (rire). Mais ça va, on ne nous reconnait pas.
Jérémy : Ouais, si tu sais qu'on double, je pense que tu peux nous reconnaître, mais si tu le sais pas tu peux te dire 'Ah je connais cette voix', mais tu vas avoir un peu de mal à réaliser. On a essayé de modifier nos voix et je sais qu'ils les ont un peu pitché quand on est transformé. On s'est quand même fait un petit peu mal à la gorge pour essayer de casser nos voix. Mais ça reste très bizarre de s'entendre au cinéma.
Quand on fait des vidéos sur YouTube pour gagner sa vie, ce n'est pas toujours facile de l'expliquer à ses proches. Est-ce que ce rôle vous permet de simplifier les discussions sur le sujet désormais ?
Patrick : Complètement.
Jérémy : On a pris une photo à la fin du générique avec nos noms. C'est cool. C'est surtout bien de montrer que grâce à YouTube, on peut avoir des projets annexes qui sont plus que de simples petits projets. Et c'est un vrai projet cool à faire. Ça montre que ça débouche sur autre chose.
Lorsque vos noms ont été dévoilés pour le doublage, certains internautes ont critiqué votre présence en affirmant que vous preniez la place d'autres personnes. C'est quelque chose qui vous a touché ?
Patrick : Franchement, moi pas du tout.
Jérémy : Moi plus que lui je pense (rire). En fait, j'ai eu pas mal de réactions. C'est typique d'un certain public qui est là 'Fais autre chose que tes vidéos face caméra' et qui quand tu fais autre chose te dit 'Mais non, faut rester sur YouTube. Volez pas le métier de quelqu'un d'autre. Les tortues sont déjà très bien doublées'. Parce qu'en plus, ils ne savaient absolument pas qui on allait doubler.
Patrick : C'est exactement ça.
Jérémy : On a volé le métier de personne. Moi ça m'a touché un peu, mais on passe au-dessus.
Et pourquoi est-ce que les YouTubeurs sont toujours visés par les critiques quand ils tentent autre chose que les vidéos sur le net ?
Patrick : A cause de la jalousie ? Peut-être que les gens ont peur qu'on perde cette complicité avec eux. Je pense que ça joue énormément.
Jérémy : Je pense qu'il y a pas mal de facteurs en fait. Il y en a beaucoup, je pense, qui ont aussi l'impression qu'on leur appartient et du coup, on doit faire tout ce que eux veulent, quand ils veulent, de la façon dont ils le veulent. Ils n'acceptent pas qu'on puisse faire autre chose. Et puis c'est facile parce que souvent, les critiques sont anonymes. Avec un pseudo tu peux écrire des paragraphes, il n'y aura aucune répercussion.
Mais vous pensez que les mentalités vont finir par évoluer à ce sujet ?
Jérémy : Ah ba j'espère en tout cas (rire).
Patrick : Ah ba oui, j'espère. Les gens grandissent, sinon c'est inquiétant.
Et comment ce changement peut être favorisé ?
Jérémy : Il faut que les gens soient convaincus par ce qu'on fait. S'ils sont convaincus par le doublage qu'on a fait, c'est cool. Ça montrera que finalement, on a bien fait de le faire. Le problème, c'est que sous couvert d'anonymat, tu peux dire n'importe quoi.
Patrick : Ouais parce qu'on ne saura jamais qui s'est.
Jérémy : Et le pire, c'est que si on avait proposé à ces gens-là de faire le doublage des Tortues Ninja, ils n'auraient pas hésité une seule seconde. Ils ne se seraient pas dit 'Ah non, peut-être que je vais voler le boulot de quelqu'un, je vais pas le faire.'
En parlant de doublage, vous êtes plutôt VO ou VF ?
Patrick : Moi les deux, ça dépend.
Jérémy : Moi en VO pour tous les films français (rires).
Patrick : Par exemple, Denzel Washington je sais que c'est mieux en anglais, mais pour moi la version française est très bien doublée.
Jérémy : Je regarde tout le temps en VO sauf quand je mange, où là je regarde les films en VF. Ça me saoule de jamais savoir quoi regarder entre l'assiette ou l'écran. Mais une fois que j'ai fini de manger, je remets le film en VO.
Retrouvez très prochainement la deuxième partie de notre interview sur Purebreak. Au programme : YouTube, la concurrence, leurs vidéos et nouveaux projets.