PureBreak : Tu réussis à allier un sujet sérieux avec l'humour, c'était un pari risqué...
Jhon Rachid : Je ne sais pas comment j'ai réussi. Je me suis juste dit 'si tu veux parler d'un sujet aussi sérieux, parles-en bien, ne fait pas n'importe quoi'. J'ai essayé de respecter une règle : à chaque moment dur, une vanne derrière pour désamorcer. Je pense surtout que le message passe mieux quand on rigole un peu. Faire un truc larmoyant aurait été ridicule. Les gens n'auraient pas compris car je suis youtubeur. C'est mon univers et je savais que s'il n'y avait pas de passages drôles, ce n'était pas possible à faire donc j'ai écrit pendant 7 mois, je retapais dedans et dès que j'ai trouvé l'équilibre entre le drôle et le triste, je me suis dit que c'était bon.
Combien de temps ce projet t'a pris ?
Je commençais à en parler il y a 1 an. Dès que je l'ai activé, ça m'a pris 6-7 mois. Le tournage a duré 3 jours intenses. Par exemple, pour la scène dans le bar, on a tourné de 11h jusqu'à 8h du matin. C'était dur mais c'est grâce à cette équipe magnifique qu'on a réussi. Moi tout seul, j'en aurais été incapable.
Ta famille est algérienne, c'est un sujet qui te tient à coeur...
Ça me touche toujours dès qu'on parle de l'Algérie et ça fait du bien de savoir qu'on a des racines autre que françaises, on est fier. C'est ce que j'explique dans le film. Il y a un passage où on me demande si c'est difficile en France, j'ai résumé ce qu'on ressent, qu'on a l'impression de ne pas être chez nous. Alors heureusement, tout le monde ne nous fait pas ressentir ça, mais certains nous font ressentir qu'il y a un problème. Médiatiquement, c'est difficile aussi, et encore plus depuis les attentats. J'avais besoin de dire 'laissez-nous tranquille, on est comme vous, tout le monde est pareil et s'il faut remonter dans le temps pour vous le prouver, eh bien on va le faire'.
Est-ce ce film peut avoir un impact sur la génération d'aujourd'hui selon toi ?
Je ne sais pas. Je ne pense pas que ça fasse changer les choses mais au moins j'amène ma pierre à l'édifice et je sais que les jeunes vont regarder. Au lieu de leur mettre de la merde dans la tête, des trucs agressifs, je leur mets une petite note d'espoir au risque de passer pour un bisounours. Je m'en fous. En plus, Kemar, Norman, ce sont des gens qui leur parlent et qui sont des amis donc ça tombe bien, le message va passer 1000 fois plus. J'espère.
En parlant de message à faire passer, as-tu vu le freestyle qu'Eminem a dévoilé contre Donald Trump ?
C'est magnifique ! C'est un génie ! On dirait qu'il dormait et que, d'un coup, il s'est dit qu'il allait défoncer Trump. Il a sorti ce qu'il avait à dire, simplement, efficacement.
On retrouve Raphael Liot, Nicolas Meyrieux, Audrey Pirault, Norman, Noman Hosni, Kemar, et en guest Gilbert Melki. Comment les as-tu choisis ?
Pour Kemar ou Norman, ce sont des amis proches et je savais que je pouvais compter sur eux si je faisais un gros projet. La preuve, ils sont venus tout de suite. Gilbert Melki et moi, on était dans la même agence. Mon agent m'a eu un rendez-vous avec lui et ça s'est passé très simplement. On a parlé pendant une heure, trop sympa et à la fin, il m'a dit 'ok, je le fais !'. Il nous amène 40 ans de travail d'acteur et ça se voit tout de suite.
Ça a été facile de convaincre tout le monde ?
La voix off est faite par José Lucciani qui double Al Pacino. A part un précédent doubleur que je voulais et qui était plus en raccord avec le voyage dans le temps, qui a refusé parce que le sujet était peut-être un peu trop lourd pour lui, tout le monde a accepté facilement.
On devait voir Baptiste Lorber, pourquoi n'a-t-il pas pu finalement ?
Baptiste Lorber a été remplacé par Kemar parce qu'il tournait. Il y a eu un malentendu en fait. Au début, Kemar ne voulait pas tourner parce qu'il pensait que j'allais lui proposer le rôle de Raph et il ne voulait pas prendre la place de quelqu'un. Il y a eu mésentente et quand je lui ai reproposé, il m'a dit ok. Kemar, c'est très important pour moi parce que c'est, pour moi, le plus drôle d'internet. Y'a aucun calcul, surtout dans un projet comme ça avec de l'amour. Tout a été fait avec le coeur, même mes choix. Raph, qui a le rôle principal, n'est pas connu,c'est mon ami de Lyon. J'ai toujours fait des vidéos avec lui depuis 10 ans donc là, forcément, il devait être là.
L'ambiance sur le tournage était-elle différente que pour une vidéo YouTube ?
Ah ben oui, c'est des conditions film. On a tourné en pellicule déjà donc on n'a pas le droit à l'erreur, on a 3 prises. On était sur autre chose que du YouTube, on était sur du cinéma.
Une anecdote de tournage à nous raconter ?
C'était le froid total ! J'ai écrit " Jour de pluie " mais j'aurais dû écrire "jour de bermuda". On a tourné en juillet-août mais il faisait trop froid. La scène où on est dehors, il faisait 18 degrés.
Pourquoi "Jour de pluie" ?
Sur internet, faut des titres simples. Le public aime des titres simples comme "Bienvenue chez les ch'tis", "Intouchables". En plus, je me suis renseigné et il a vraiment plu ce jour là. Au début j'avais fait un jeu de mot " ensemble ", avec du sang au milieu et je trouvais ça morbide.
Aucun rapport avec la chanson de Soprano donc ?
Non, je n'écoute plus Soprano depuis qu'il ne fait plus de rap. Mais je l'adore !
Tu es un youtubeur engagé, notamment en politique. Tu cites Jean-Marie Le Pen dans tes vidéos, tu as pris la parole face à Alain Juppé... Est-ce qu'ouvrir une chaîne Youtube spéciale politique comme Hugo Travers t'a déjà traversé l'esprit ?
Non, jamais de la vie, Dieu m'en garde ! Je ne suis pas politisé ni engagé. Je parle de mes problèmes au quotidien, de ce qui se passe en France en tant que citoyen. Je m'éloigne de ces trucs politiques, je déteste ça. Quand j'étais face à Juppé, je lui ai justement dit que je n'avais plus confiance en eux. Loin de moi ce monde de la politique, moi je suis comédien, humoriste et auteur.
Et si on te propose une chronique à la radio ou à la TV ?
Non jamais ! Là, tu as tout ce que je veux faire dans ma vie. J'en ai marre qu'on me propose des rôles de terroriste ou de voleur parce que dans le cinéma français, c'est que ça. J'ai joué dans des séries où j'ai fait ça et ça me casse les couilles ! Y'en a marre qu'on nous propose des putains de clichés. Ça, ça veut dire : regardez ce que je sais faire, ce qu'on est capable de faire. Nous, youtubeurs, on n'est personne pour les gens du cinéma. Mais on leur montre qu'on n'est pas des connards qui s'enferment dans leur chambre à faire des vidéos. On sait faire des vraies oeuvres pensées, réfléchies et pas clichées.
Envisages-tu de réaliser un autre court-métrage ?
Là je crois que je suis au max de ce que je sais faire, côté artistique. Le mieux, c'est de faire un long-métrage, c'est ce que je veux faire depuis tout le temps, en tant que comédien et en tant qu'auteur.
Tu fais plusieurs références à tes vidéos.
J'ai fait plein de références à ce que je fais déjà (DBZ, JCVD) car je sais qu'il y a des jeunes qui me suivent. Il faut qu'ils retrouvent ça sinon ils vont se retrouver dans un court-métrage historique et je ne suis pas National Geographic !
Tu as eu des retours positifs de ta famille et de tes amis. Redoutes-tu celui des internautes ?
Oui, je ne vais pas mentir. Mais après, chaque chose que tu mets sur internet est sujet à critiques. Donc je m'attends à de la critique, mais aussi à des gens qui attendent ça depuis longtemps (je reçois des messages tous les jours) et je ne pense pas les avoir trahis ni avoir fait de la merde.
Propos recueillis par Marion Poulle. Contenu exclusif. Ne pas mentionner sans citer Purebreak.com.