Le "fun & fears", ou "fun et frissons", est un concept que l'on associe spontanément à Sam Raimi. L'auteur de la trilogie Evil Dead (franchise dont le dernier opus fut l'une des rares éclaircies horrifiques de 2023) a popularisé cette idée d'un cinéma d'horreur aussi graphique qu'amusant, de "roller coaster" qui fait flipper autant que grincer des dents par son humour dévastateur : c'est le cas de Jusqu'en enfer, l'un de ses chefs-d'oeuvre.
Or, c'est aujourd'hui un film français qui vient s'approprier ce concept associant générosité et frousse : Vermines, qui débarque en salles ce 27 décembre 2023. L'histoire est simple : en pleine banlieue parisienne, les habitants d'un HLM doivent faire face à de redoutables araignées qui se multiplient, se multiplient... Et grossissent, aussi. On avait jamais vu ça en France : un film d'invasion d'araignées, sous genre plus Américain qu'autre chose.
Co-scénarisé par l'une des plumes de la série Bloqués (Florent Bernard, l'instigateur du Floodcast, et coauteur de Baptiste Lecaplain), Vermines, c'est la rencontre improbable entre Arachnophobie et Attack the Block, cette petite perle du ciné british qui confrontait des banlieusards à des entités belliqueuses. Le tout saupoudré de sons rétrofuturistes de Benjamin Epps et Laylow. Sous ses allures de cauchemar éveillé, ça vend du rêve.
>> On a vu le spectacle de Baptiste Lecaplain sur Prime Video et c'est (encore) une masterclass pas seulement drôle <<
Alors, notre verdict sur Vermines ?
On ne va pas se mentir : Vermines est un film étonnant.
Déjà, car il s'approprie un genre plutôt vintage. Le film de grosses bêbêtes, et plus précisément d'invasion d'araignées (chaque mot compte) est davantage une sous-catégorie qui a fait le bonheur des séries B et Z, pas forcément des grosses prods qui envahissent les multiplexes. A peine retiendra-t-on une prod Spielberg (le Arachnophobie de Frank Marshall) et une prod Roland Emmerich : Arack Attack, sorti il y a... 20 ans.
Il y a donc quelque chose d'inédit à assister au spectacle que propose le réalisateur Sébastien Vaniček. Surtout que son équipe n'a pas lésiné sur le bestiaire : c'est tout un HLM qui se voit transformé en paradis à bêbêtes, tissant leurs toiles au gré des apparts et escaliers, jusqu'à métamorphoser la chose en antre d'Arachné - vous savez, l'araignée géante que l'on peut admirer dans Le seigneur des anneaux : le retour du roi.
Cette réappropriation fantastique de tels lieux évoque une autre surprise horrifique de cette 2023 : La tour de Guillaume Nicloux, où le cinéaste transformait un HLM (devenu une sorte de lieu post apo) en... grottes de Lascaux. Mais non content de filer une attaque aux arachnophobes, Vermines tord la patte à une dénomination, celle du "film de banlieue".
Cet autre genre étiré de La haine aux Misérables de Ladj Ly est ici employé en sourdine, sans gros sabots ni gros clichés. On suit des protagonistes marginaux et attachants, qui ne sont pas de simples prétextes à servir une thèse. Discours il y a (il est métaphorique) mais ce sont avant tout les protagonistes qui importent et mènent la danse. Et la bande son également échappe à toute ringardise : écouter les nouveaux enfants terribles du rap comme Benjamin Epps, fait un bien fou dans une prod frenchie.
D'ailleurs, Vermines se visionne comme l'on streame l'un des sons du punchliner : c'est brutal, efficace, énervé. Et loin d'être bête malgré ses bestioles : jamais massacrée, l'araignée est respectée, si ce n'est admirée, et l'enjeu crucial du droit animal loin d'être bafoué malgré le pitch.
Bref, c'est le meilleur film d'Halloween du mois de décembre.