Rien que le nom ressemble à une blague : Voir les gens. C'est pourtant ainsi que s'intitule le dernier spectacle (forcément) déchaîné de Baptiste Lecaplain, l'humoriste qui a l'énergie d'un Lapin Duracell mais la sensibilité d'un Panayotis Pascot. Un one man show formidable à (re)découvrir dès ce 25 octobre sur Prime Video, car il vaut largement le coup d'oeil : non seulement le comédien nous fait rire, beaucoup, mais il nous émeut - aussi. Aucune chance que ce spectacle te laisse insensible.
>> PITCH : Baptiste Lecaplain de retour sur Canal+ dans une série délirante <<
Car Voir les gens n'est pas un titre si absurde : dans ce seul en scène coécrit par Florent Bernard, alias FloBer (l'instigateur du podcast à succès Floodcast), Baptiste Lecaplain communique avec nous, "les gens", sans pudeur. Il évoque le poids de ses 37 ans, son rôle de père (ses filles occupent toujours un rôle important dans ses créations). Mais aussi l'image qu'il renvoie.
Et c'est désarmant de sincérité !
Oui, Baptiste Lecaplain ne nous cache rien dans Voir les gens. Et durant quatre-vingt dix minutes, il érige d'ailleurs la moindre trivialité de nos existences en éclat comique, comme le souhaite la tradition du stand up dans sa mouvance la plus new-yorkaise - tu penseras forcément à des humoristes du détail comme Jerry Seinfeld, le créateur de la sitcom éponyme. Tout le one man est ainsi un puzzle de séquences du quotidien.
Etre vieux, survivre aux apéros dinatoires, admirer les modèles de Dyson qui ont douze têtes aspirantes ("quand je suis pas en tournée je fais qu'aspirer tout le temps !"), adopter des gestes précis durant la marche digestive (oui oui), acheter une bouillotte, gérer ses enfants...
Dit comme ça, le tout serait superbement banal, si l'artiste ne saupoudrait pas l'ensemble d'un absurde corrosif qui n'appartient qu'à lui : comparer les lignes de miettes de pain que l'on constitue après un repas trop long "aux gestes d'un cocaïnomane", questionner la possibilité de se réincarner en animal, éclairer les dessous peu reluisants de Un indien dans la ville (avec Patrick Timsit), imaginer les péripéties pas évidentes de "la police des abeilles" ou encore attribuer la voix de Fanny Ardant à... un ananas. Oui oui.
Mais le trentenaire se permet aussi une autodérision réjouissante quand il aborde l'image qu'il renvoie de lui sur scène : "Les gens disent tout le temps : il saute dans tous les sens... Arrêtez de parler de moi comme si j'étais un épagneul breton !". Ou encore : "Je pense aux +1 qui sont venus voir ce spectacle... 'C'est quoi ce que tu m'as emmené voir encore ? - Oh, il a son univers... - Il est camé, oui !". Une belle leçon d'humilité.
A côté de cela, c'est moins sa vivacité, bien connue de tous, que toute autre chose qui surgit face au public : de la tendresse, évidemment. Un coeur gros comme ça qui palpite. Notamment car l'une des premières cibles de Baptiste Lecaplain, c'est lui même : un homme tout à fait normal confronté aux incongruités de la vie, mais aussi un père de famille plein d'amour qui s'interroge sur l'évolution de la paternité et de la masculinité. Sans se priver d'aborder des sujets qui le dévalorisent nettement, comme l'adultère.
"C'est plus facile d'être un bon père que d'être un bon mari. Car tout simplement, tu ne peux pas tromper tes enfants... Imaginez : 'Papa, c'est qui ce Titouan ?!' 'Personne, on s'est croisé devant un JouéClub'..."
Tu l'auras compris, Voir les gens est un spectacle (très très) drôle, touchant, et rythmé comme un film d'action : forcément recommandable.