Depuis le premier opus en 1981 (dont le plus grand fan n'est autre qu'un certain Stephen King ), la franchise horrifique Evil Dead ne manque de rien. Un Livre des Morts qu'on récite en mode messe noire ? Présent. Des membres arrachés ? Y'en a. Une grosse quantité de gore ? Evidemment. Des tronçonneuses ? La base. Des persos qui prennent des poses iconiques entre deux massacres ? Bref, t'as capté la rengaine.
Mais il manque un petit quelque chose à tout ça. Si si, cherchez bien. Ah oui : des meufs. Elles existent dans la trilogie originelle de Sam Raimi (le réalisateur des trois premiers Spider-Man et du dernier Dr Strange) mais squattent surtout la place de persos secondaires. Il a fallu attendre le très énervé Evil Dead de 2013, reboot sacrément vicieux de ce classique du cinéma d'horreur, pour que cette saga s'émancipe enfin de son héros récurrent (Ash) et mette en avant un personnage féminin principal. Pas trop tôt.
Oui mais voilà : le nouvel opus tant attendu de la franchise débarque en salles ce 19 avril et il fait encore mieux que ça. Car Evil Dead Rise semble marcher main dans la main avec Scream 6, fort d'une même intention : mettre à l'honneur des persos de meufs badass qui craignent jamais l'hémoglobine.
Ca raconte quoi, Evil Dead Rise ?
Comme d'habitude, le scénar' est un brin moins développé que celui de Forrest Gump : une famille plus ou moins fonctionnelle (deux ados, une petite soeur, une mère séparée de son mec, une tantine qui débarque sans prévenir) va devoir faire face aux forces des ténèbres suite à la découverte malencontreuse du Necronomicon : le Livre des Morts. Redoutables, les entités maléfiques font violemment envahir leur appart'...
L'air de rien, ce pitch annonce du neuf pour la franchise, puisque le cadre tradi des Evil Dead (une cabane dans les bois) se voit totalement rayé de la carte au profit d'un décor tout droit sorti d'un jeu vidéo de chasse aux zombies : un immeuble délabré. Mais le challenge de cet opus, c'est surtout de dépasser en litres la quantité de sang versé dans les derniers volets. Pari réussi : Evil Dead Rise s'acharne à être le film le plus gore de 2023 - son réalisateur affirme que plus de 6 000 litres seraient présents à l'écran, pas mal.
Mais pas seulement. Il est le seul Evil Dead à mettre en scène autant de personnages féminins. Hormis quelques voisins et le frère de la famille, ce sont les meufs qui prennent le pouvoir ici. La créature maléfique la plus coriace du film, à partir de laquelle découle tout le reste, n'est autre que la mère de famille. Sa principale rivale est sa soeur. Et loin de se limiter au simple rôle d'enfant à délivrer, la plus jeune gosse de la fratrie va devoir, elle aussi, s'initier à l'autodéfense la plus vénère possible, tendance décapitations. Oui, on est très loin de Disney.
C'est d'ailleurs sur ce perso de petite fille, qui dit que les mecs "sont vraiment bizarres" et se déguise comme dans un film de Tim Burton, que beaucoup de choses vont reposer : tout l'aspect tragique lié à la métamorphose de la mère, la survie, la détermination de la tante qui devient sa maman de substitution. Cette tante justement, traitée de "groupie" par son entourage car elle fréquente des musiciens, sert en filigrane tout un discours sur le "slut shaming" : le fait de pointer du doigt le mode de vie, l'attitude ou la sexualité fantasmée d'une femme.
Satire évidente et très (très) méchante de la maternité, perçue comme un jeu de massacre (littéralement) au sein duquel mère et enfants s'entredévorent (on vous laisse deviner l'ampleur du désastre), Evil Dead Rise égratigne donc l'air de rien un certain sexisme ordinaire, et se permet à l'occasion de réécrire un cliché bien tenace du genre : la "finale girl". Dans les films d'horreur, il s'agit de la seule meuf survivante, souvent vierge, qui doit fuir coûte que coûte le grand méchant psycho killer. Ici, c'est plutôt l'affrontement qui est privilégié.
Mais aussi, une posture très "badass", qui rappelle le traitement des jeunes héroïnes du dernier Scream : volontiers furax quand il s'agit de se défendre et de faire parler le gore, les meufs n'ont plus rien de demoiselles en détresse hurlant à tout rompre (on appelle ça des "scream queens" dans le cinéma d'horreur), mais tout des adversaires coriaces qui ne se privent pas de balancer une punchline entre deux mano à mano.
Elles ont aussi tout un passif dramatique, qu'elles trimballent comme une malédiction. Oui, niveau richesse des persos, on est quand même loin d'un Souviens-toi l'été dernier avec Sarah Michelle Gellar et Jennifer Love Hewitt. Ces personnages-là ont des choses à nous raconter, même dans un capharnaüm constant d'hurlements.
Bref, tour à tour monstres increvables, battantes et survivantes vulnérables, les femmes s'imposent plus que jamais dans l'univers d'Evil Dead. Allez, on fonce en salles pour savourer le spectacle.