Une femme en jeu commence son tracé sur le personnage de Sheryl, jouée par Anna Kendrick, elle-même directement inspirée de la vraie Cheryl Bradshaw. Actrice en devenir dans le Los Angeles des années 1970, elle participe à l'équivalent américain de Tournez Manège ! pour se faire connaître. Mais, parmi les participants se cache un serial killer, Rodney Alcala, spécialisé dans le meurtre de jeunes femmes... Le twist ? Il remporte le rencard final avec elle.
Un décor est planté et le thriller enclenché. C'est grâce à un pif monumental et à un concours de circonstances miraculeux que Sheryl parvient à se sauver d'une éventuelle agression. Mais rapidement, le film enclenche la seconde et nous fait rencontrer des femmes qui n'ont pas eu la même fortune qu'elle.
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A la fin du film, Alcala a enlevé une jeune adolescente en fuite, Amy. Après l'avoir agressée, ligotée et fait subir tout un tas d'horreurs dont nous vous épargnerons les détails, il est pris d'embarras et se met à pleurer. La brèche s'ouvre pour Amy, qui tente de l'apaiser pour endormir tout soupçon. Elle finit par utiliser le moment de faiblesse de son agresseur pour s'enfuir et prévenir la police. Arrestation du criminel, gros plan sur le visage tuméfié d'Amy, une inspiration qu'on ne saurait qualifier ni de soulagement ni de rupture vers le sanglot, de panique peut-être, puis saisie en plein vol, une coupe au noir.
Un texte type "que sont-ils devenus" glaçant apparaît alors, incrusté sur une série de plans désertiques, presque apaisants. "Le 14 février 1979, une adolescente en fuite a échappé à Rodney Alcala en lui demandant de garder leur rencontre secrète. En attendant son procès, il a été relâché. Une fois libre, il a assassiné une femme de 21 ans et une petite fille de 12 ans. Alcala a été arrêté en 1979. Ce n'est qu'à partir de là que les autorités ont commencé à découvrir l'étendue de ses crimes. Durant une décennie, Alcala a été dénoncé aux forces de l'ordre par des survivantes et d'autres citoyens, sans que cela ait eu de conséquences. Il a finalement été condamné pour le meurtre de sept femmes et jeunes filles. Certains membres des autorités estiment que le véritable nombre de ses victimes s'élèvent à au moins 130. Après 31 ans passés en prison, Alcala a eu la possibilité d'être acquitté. La fugueuse, désormais adulte, s'est rendue à la cour pour témoigner contre lui. Selon le procureur, 'Elle est venue et a planté le clou dans le cercueil de Rodney.' (...) Alcala est mort durant son incarcération."
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Dans une interview accordée à Tudum (le magazine de Netflix), Anna Kendrick, accompagnée de son scénariste Ian MacDonald, justifie cette coupe franche et ce sentiment de malaise. "[Il] n'y a pas de résolution parfaite : Ce personnage a survécu, mais ce n'est pas aussi simple que de dire 'Elle va s'en sortir maintenant'. Le but est d'évoquer au moins une dissonance".
Une dissonance, pour sûr, on en ressent bel et bien une, car au sortir de l'heure et demie de ce métrage tout en tension, on peine à se réjouir de ce dénouement qui tend pourtant vers le happy end. Mais quelque chose cloche. Et ce quelque chose a été calibré par Kendrick et son acolyte.
Comme le mentionne le texte final, la police a été clairement à côté de ses pompes durant des années et, même lorsqu'Alcala a été attrapé et en passe d'être puni pour ses crimes, il a bénéficié de cette errance des forces de l'ordre lui ayant permis de tuer de nouveau. Une impunité que le film a tenté de dénoncer, englobée dans un discours sur les violences systémiques que subissent les femmes.
"Laura [personnage fictionnel qui tente d'avertir la police sur les agissements d'Alcala] représente en quelque sorte toutes les personnes qui ont essayé de tirer la sonnette d'alarme et qui ont été ignorées, explique la réalisatrice à Tudum, Il y a tant de héros dans cette histoire, mais ils ont été dépassés par l'incompétence, la négligence et une culture qui ne donnait pas la priorité aux victimes." Ian MacDonald ajoute à cette remarque que "Le contexte qui l'entoure [Rodney Alcala] est ce que j'ai trouvé de plus intéressant. Il semblait représenter quelque chose avec lequel notre pays se débattait à l'époque, à savoir que les gens ordinaires détournaient le regard pour permettre aux méchants de s'en tirer avec de mauvais comportements".
Une fin en demi-teinte qui flanque un sacré cafard donc, d'autant plus lorsque l'on fait remonter à sa mémoire que toute cette sordide affaire a véritablement eu lieu. Une femme en jeu est disponible sur Netflix.