Que ce soit sur la page d'accueil ou dans les tendances de YouTube, les vidéos de créatrices sont toujours minoritaires par rapport à celles des créateurs. Pourtant, elles sont bien présentes et créent du contenu aussi régulièrement que n'importe quel autre vidéaste et sur tous les thèmes possibles et imaginables. Comment expliquer cette différence de traitement ?
Premièrement, elles font encore aujourd'hui face au cliché stupide qui insinue que les hommes sont plus aptes et crédibles à parler de jeux vidéo, cinéma ou science. Du coup, le public peut privilégier malheureusement parfois instinctivement ces créateurs et laisser moins facilement sa chance à une créatrice. Et plus vous regardez de vidéos d'hommes, plus YouTube vous proposera des vidéos d'hommes.
Deuxièmement, de nombreux internautes masculins n'assument pas forcément de suivre ces créatrices et se transforment rapidement en viewers de l'ombre qui regardent donc passivement les vidéos. Là où les YouTubeurs peuvent compter sur un soutien actif de la part d'hommes et de femmes (like, commentaires, partages...), ce qui permet aux chaînes d'être plus facilement aimées de l'algorithme de la plateforme, les YouTubeuses bénéficient rarement d'un tel soutien publique malgré des vidéos de qualité identique. Et si personne n'agit pour ces chaînes, YouTube considère bêtement qu'elles ne sont pas assez intéressantes.
Enfin troisièmement, c'est un fait, les vidéastes femmes font plus facilement l'objet de moqueries, sexualisation, insultes et remarques déplacées sur leur physique que les hommes. Or, quand une section commentaires devient problématique avec l'utilisation de certains mots clés, YouTube préfère cacher ces vidéos. Bref, les créatrices sont victimes d'une double-peine.
Autre raison de soutenir cette journée, il faut savoir que si les femmes sont souvent invisibilisées sur YouTube, ce n'est pas uniquement la faute au comportement passif du public, mais également celle de la plateforme. En effet, là où les créatrices peuvent avoir envie de parler de choses importantes et souvent jugées tabou (les règles, le body-shaming, les protections, la sexualité, la culture du viol...), le site est le premier à mettre un frein à leur démarche. Sous prétexte que ces thèmes ne sont pas très joyeux/positifs et pourraient surprendre les publicitaires, la plateforme démonétise facilement la moindre de ces vidéos qui oserait les aborder. Et forcément, qui dit vidéo démonétisée, dit vidéo moins mise en avant (page d'accueil, recommandations...) et donc vidéo perdue dans les méandres du site.
Il existe bien une solution pour vaincre ce côté "censure", c'est le recours à l'abonnement aux chaînes afin de les aider à grandir d'elles-mêmes sans attendre un coup de pouce de YouTube. Or, on en revient au point précédent, le public est étonnamment moins actif à tous les niveaux sur la chaîne d'une créatrice que celle d'un créateur. Aussi, il est important de le rappeler, ABONNEZ-VOUS.
On ne sait pas ce qu'il se passe dans la tête des Internautes quand ils regardent des vidéos sur YouTube, mais comme cela a été dit précédemment, les créatrices ont très souvent le droit à des commentaires immondes. Une situation qui se retrouve également sur Twitch où, dès que certains hommes réalisent qu'ils affrontent une femme sur un jeu vidéo, ceux-ci ne peuvent s'empêcher d'y aller de leurs remarques graveleuses et toxiques. Et à l'heure où, on le sait, le harcèlement en ligne peut donner lieu à de terribles conséquences, il est important de se soutenir pour lutter contre ce phénomène.
Et c'est là où le "YouTubeusesDay" entre en jeu. En permettant à de nombreux créateurs de se découvrir, ce mouvement leur offre une chance d'établir une véritable communauté afin de pouvoir se soutenir mutuellement et lutter plus efficacement (conseils, soutiens, appels à YouTube...) contre la toxicité ambiante sous les vidéos. Il serait naïf de penser que tout disparaîtra d'un coup - même les messages positifs de Squeezie ou Cyprien ne font pas de miracles, mais il est important que les principales concernées ne se sentent pas seules et soient soutenues dans leurs démarches.
Enfin, on ne cesse de se répéter, mais dès que l'on arrive sur YouTube on a tristement l'impression que la plateforme est destinée aux hommes. Et cette invisibilisation constante des créatrices peut avoir un effet boule de neige en démotivant de nouvelles femmes à se lancer. Après tout, comment se trouver des modèles quand les YouTubeuses actuelles sont sacrifiées par l'algorithme ? De même, pourquoi risquer de gaspiller autant d'énergie et de temps à créer, si c'est pour voir son travail être maltraité par ce même algorithme ?
Une réflexion compréhensible mais également tragique pour l'avenir du site et de la création. En 2020, il est temps que la tendance s'inverse et que les créatrices obtiennent enfin la place qui leur est due. Et puisque YouTube ne semble pas décidé à se réveiller, le mouvement "YouTubeusesDay" a le mérite de se démener pour faire découvrir des talents et lancer des passions. Il est important de rappeler que les créatrices existent et sont présentes sur tous les sujets et pas seulement ceux que l'on veut bien leur laisser (poke la beauté ou l'ASMR).