Alors que les étudiants risquent d'être privés d'Erasmus au Royaume-Uni suite au Brexit et qu'en France les étudiants ont dû faire face aux grèves, ceux des grandes écoles de commerce en France ont de leur côté un autre problème : ils seraient stigmatisés, jugés et moqués par leurs camarades. C'est ce que révélait une enquête signée Mediapart, sortie le 6 janvier 2020. Le site internet y racontait comment ces établissements reconnus laisseraient le sexisme, l'homophobie et le racisme faire la loi. Une lettre ouverte publiée par Libération vient confirmer ces informations. Plus de 500 diplômé(e)s et étudiant(e)s (514 signataires au total) ont assuré avoir été victimes ou témoins de ces horreurs.
Dans cette tribune appelée "Nous aussi", celles et ceux qui ont étudié à HEC Paris, l'Essec, l'Edhec, l'Audencia ou encore à la Neoma Business School ont expliqué : "Nous aussi, nous avons été des putes, des fiotes, des 'nobodes', des chagasses, des gouines, des salopes, des 'Chinois', des pédés, des moches, des frigides".
"Nous choisissons de dénoncer collectivement les humiliations et les agissements dont beaucoup d'entre nous ont été les victimes lors de notre scolarité" ont-ils simplement indiqué. Ils ont aussi tenu à préciser être "de tous bords politiques et de toutes orientations sexuelles".
Les signataires ont d'abord avoué avoir été "choqués" par un mail de Peter Todd, le directeur général de HEC. En objet du courriel, celui-ci dénonçait un "article à charge contre les Ecoles de Commerce" en parlant du papier de Mediapart. Et dans son message, il "réfute avec la plus grande fermeté certains commentaires de cet article qui font croire que l'Ecole couvre sciemment des actes de sexisme, d'homophobie et de harcèlement". "Lorsque nous étions étudiant(e)s aussi, la réputation de nos établissements passait avant nous" ont confié avec désarroi ces anciens étudiants des grandes écoles de commerce.
Leur but aujourd'hui ? Que les gens arrêtent de penser "qu'il n'y a qu'une seule manière de 'réussir' : se conformer, pour s'intégrer". "Nous avons été des victimes directes ou indirectes de ce système, nous nous y sommes parfois conformé(e)s, nous nous sommes tu(e)s, nous nous sommes effacé(e)s ou nous avons pris la fuite" ont-ils expliqué, assurant n'avoir rien dit à l'époque où ils étudiaient "par pression sociale", "par manque de soutien", "pour ne pas attirer l'attention" ou encore "par peur".
Mais désormais diplômés et dans le monde du travail, ils ne veulent pas que leurs successeurs vivent les mêmes actes de sexisme, d'homophobie et de racisme qu'ils ont vécu. "Il est de notre devoir de ne pas laisser se perpétuer ces comportements" ont-ils déclaré, ne souhaitant pas "laisser de nouvelles générations grandir dans l'intolérance, la violence et la peur".
Quant aux harceleurs, aux étudiants qui faisaient la misère à toutes celles et tous ceux qui ne rentraient pas dans le moule, à ces personnes qui ont foutu des vies en l'air... Les signataires leur adressent ce mot de fin : "A toi, qui as abusé ou abuses encore de ta position, toi qui as humilié ou humilies encore 'pour le fun', toi qui traites tout ce qui est différent avec violence et condescendance : on sait qui tu es, on te connaît, on ne t'a pas oublié. Mais maintenant, à défaut d'ouvrir 'nos chattes' (en référence au #fermetachatte que les responsables du bar de HEC auraient envoyé par mail à des étudiantes d'après Mediapart), on ne fermera plus notre gueule".