Clairement, l'absurde ne fait pas peur à Jean Dujardin. Des sketches parodiques du collectif Nous c Nous au second degré ravageur d'un OSS 117, en passant par l'humour turbo-débile d'un Brice de Nice, l'acteur a touché à toutes les facettes de la comédie, dans sa dimension la plus décomplexée et corrosive. Et pourtant, on ne s'attendait pas à le voir débarquer sur des territoires... bien plus déroutants.
Car quand l'horreur rencontre le rire, cela donne Le daim, l'un des meilleurs films de Quentin Dupieux, à rattraper très vite sur Netflix - il quitte la plateforme le 18 juin. Le réalisateur de Rubber, Mandibules, Incroyable mais vrai et Au poste ! délivre au Français Oscarisé son rôle le plus fou. Oui oui, rien que ça.
Il faut dire que l'histoire donne le ton : Georges (Jean Dujardin lui-même), un homme fasciné par son blouson en daim (d'où le titre) devient du jour au lendemain... un tueur en série. On comprend mieux pourquoi ce film a bousculé la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes 2019 : niveau originalité, on est quand même loin de The Artist.
Le daim sort Jean Dujardin de sa zone de confort en lui offrant, un peu comme dans le déjanté 99 francs, un rôle de anti héros total. Personnage vraisemblablement égaré, sur Terre (le film est un road movie) et surtout dans sa tête, le protagoniste est un homme asocial, obsédé, frimeur (la faute à son blouson, encore une fois), mythomane... Il fera ainsi croire à l'une de ses rares rencontres féminines (Adèle Haenel) qu'il est cinéaste. Mais il est surtout, plus que décalé, aussi dérangé qu'un personnage de David Lynch.
L'occasion pour Quentin Dupieux de nous plonger au coeur de la folie, immersion qui glisse sans prévenir de la comédie décousue au film si gore qu'il ferait rougir la saga Scream. Il faut dire que le Rubber du même Dupieux (l'histoire d'un pneu tueur qui explose des têtes) était déjà blindé d'hémoglobine. Le récit de Georges, accumulant les victimes, est un peu la version française (et bien plus rigolote) de l'un des films d'horreur les plus choquants qui soient : Maniac de William Lustig (1980), qui a eu droit à un remake avec Elijah Wood.
Et puisque son (anti) héros, solitaire paumé aux goûts musicaux vintage (Joe Dassin) à la barbe bien fournie, autrement dit véritable sosie du cinéaste, fait constamment mumuse avec une caméra, Quentin Dupieux au fond ne nous parle que d'une chose en filmant Jean Dujardin : son travail de metteur en scène, incompris, n'arrivant jamais à communiquer, bizarre à souhait, refusant de s'assigner au moindre genre, rejetant la cohérence. Un discours qu'il faut chercher au bout d'une oeuvre qui suscitera quantité de rires plus ou moins nerveux.
Et cette mise en abyme fera carrément flipper l'acteur, comme le démontre cette tirade recueillie par Allociné : "Je crois qu'il ne faut pas chercher à faire le malin dans un film de Quentin Dupieux. Faut juste être à sa place. Ca donne forcément quelque chose d'inattendu avec lui. Je ne m'étais pas rendu compte sur le tournage à quel point je suis à l'écran un double de Quentin. Je ne sais pas... C'est un truc étrange".
Et si vous tentiez l'expérience ? Vous avez jusqu'au 18 juin avant que le film ne quitte le catalogue de Netflix.