Il s'appelle Giwar Hajabi. Mais les connaisseurs ont plutôt retenu son nom de scène : Xatar. Autrement dit, le "Danger". Moustache au nez, crâne chauve, air patibulaire, l'artiste porte bien son sobriquet. Artiste, car Xatar est un rappeur. Mais aussi un entrepreneur, producteur et fondateur de plusieurs labels : Alles oder Nix Records, Kopfticker Records, Groove Attack TraX, Goldmann Entertainment... Mais ce n'est pas tout.
Ce n'est pas simplement dans le domaine des beats et des freestyles que cet Allemand d'origine turque a défrayé la chronique. Avant de percer, Giwar Hajabi était effectivement un gangster, expert en magouilles diverses, en trafics, carrément recherché à l'étranger suite à un ultime coup fracassant, et pas si étranger à une certaine violence. Du style à se croire dans une fresque de Martin Scorsese type Les affranchis, oui.
Sa vie est folle, tant et si bien d'ailleurs que le très éclectique cinéaste Fathi Akin (à qui l'on doit un film de psycho-killer aussi poisseux que traumatisant : Golden Glove), lui a dédié un film entier : RheinGold, à découvrir dès à présent en salles obscures - l'idéal pour se rafraîchir en ces temps caniculaires.
Il faut dire que la chose méritait bien un biopic, tant le récit de Xatar est plus "street" tu meurs. Tout comme la manière dont il a créé son tout premier album, qui l'a lancé dans le milieu. On t'explique.
Rembobinons la chose, sans trop te griller le film : ayant connu la prison et la violence dès son enfance (via la persécution de sa famille dans l'Iran des années 70 et 80), Giwar Hajabi a glissé des années durant de méfait en méfait, alternant bastons de rue, trafic de drogue, hold-up à base de vol d'or - beaucoup, beaucoup d'or. Mais ce fils de grand chef d'orchestre kurdo-iranien, qui a appris le piano à son plus jeune âge, a toujours eu une seule ambition : s'incruster dans l'industrie musicale. Quitte à forcer des portes ou s'allier à des mafieux.
Mais comment faire pour balancer son premier album quand on a la situation d'un gangster recherché à l'international, et finalement condamné à huit ans (ferme) de prison ? C'est simple. On produit son album... En taule. Comme il raconte dans son best-seller autobiographique, dont Rheingold est l'adaptation, Xatar - qui a été consultant sur le film qui relate sa vie - a effectivement enregistré ses morceaux de rap très personnels (et énervés) directement entre quatre murs, dans sa propre cellule. En se débrouillant comme il pouvait.
Effectivement, le rappeur s'était arrangé pour se dégoter en douce un dictaphone. Afin de garantir une qualité sonore optimale (pas simple quand on partage une cellule à trois ou quatre), Xatar se planquait... sous des draps. Tel Harry Potter. L'équivalent Wish d'un studio insonorisé. On a déjà vu pire : le rappeur français Vald, lui, a bien enregistré un album entier (Xeu) dans un placard. Enfin, l'artiste balancait ni vu ni connu les enregistrements sur carte SD à son beatmaker (en liberté, à l'extérieur) lors de ses auditions au parloir.
Et voilà.
En a résulté un premier album, comment dire ? Très authentique. Et très, très "street", dès son processus de création donc. Du rap incarné, furieux, d'une honnêteté confondante, auquel le cinéaste Fatih Akin rend un bel hommage, sans pour autant trop magnifier son anti héros et ex-délinquant - interprété par l'impressionnant Emilio Sakraya, il est par ailleurs un très troublant sosie de Tom Hardy dans le film Bronson.
Bref, si tu aimes le son qui claque et sonne juste, sort des tripes, et si tes connaissances en rap allemand sont limitées, tu devrais très vite adhérer à ce biopic vraiment pas comme les autres.