Les studios de Canal + ont décidément le don de séduire les spectateurs. Et ce n'est pas leur dernière création en date qui permettra de démontrer le contraire. En effet, la diffusion de cette grande nouveauté sérielle vient de s'achever sur la chaîne cryptée. Son nom ? D'argent et de sang. Un programme d'une efficacité et d'une intensité rares, qui retrace l'incroyable parcours des escrocs de la fraude à la TVA sur les quotas carbone survenue à la fin des années 2000, qui a coûté près de CINQ MILLIARDS D'EUROS au gouvernement français - et par conséquent au contribuable (c'est-à-dire vous et moi).
Pour cela, les réalisateurs de la série (Xavier Giannoli et Frédéric Planchon) se sont inspirés de cette histoire par le biais du livre éponyme de l'excellent journaliste Fabrice Arfi paru en 2018, tout en lui restant extrêmement fidèle. On peut y suivre le meilleur observateur qui soit, l'officier des douanes judiciaires Simon Weynachter (incarné par un Vincent Lindon exceptionnel), qui a mené l'enquête sur cette vaste arnaque et qui la raconte dans ses moindres détails. Une plongée dans les failles d'un système, largement exploitées par une improbable alliance entre des petits malfrats tunisiens grandiloquents de Belleville, Alain Fitoussy (Ramzy Bedia) et Bouli (David Ayala) en tête, et un trader raté tout droit sorti du 16ème arrondissement (campé par Niels Schneider) issu d'une famille dirigée d'une main de fer par un milliardaire juif.
Cette "arnaque du siècle" a déjà été narrée en images à plusieurs reprises : dans le film bancal qu'était Carbone d'Olivier Marchal paru en 2017, qui prend lui ses distances avec la réalité, ainsi que dans le documentaire stupéfiant qu'est Les Rois de l'arnaque, toujours disponible sur Netflix. Seulement, D'argent et de sang parvient à créer un pont entre les deux registres en apportant à cette version sensiblement proche de la vérité les codes indispensables de la série.
Si la première salve d'épisodes laisse la part belle au procédé de la fraude massive en tant que tel, et donc à l'argent qui en a découlé, la seconde, elle, revient sur les terribles conséquences qui en ont suivi : le sang, comme le laissait présager le titre. Un moyen d'offrir une vision globale absolument glaciale sur le monde de la finance et ses porosités avec celui des hors-la-loi, prêts à tout pour s'enrichir, dans un schéma où les victimes sont toujours les mêmes : les citoyens. Le tout sur fond de dettes dans les casinos, de consumérisme des pulsions capitalistes frénétiques pour gravir l'échelle sociale et de corruption avec les autorités, mais aussi la complicité des établissements bancaires du monde entier.
En résulte un show époustouflant sans le moindre temps mort durant douze épisodes, à découvrir sur l'application MyCanal - si ce n'est déjà fait, tant grâce à la tension prégnante en permanence que la situation surréaliste et l'extravagance de ses personnages délirants "bigger than life". Fort logiquement, il ne devrait pas y avoir de deuxième saison puisque toute la matière a déjà été exploitée. À moins qu'il n'y ait de nouveaux rebondissements dans cette affaire rocambolesque d'ici là... Et cela ne semble pas si impossible que cela.