Un film peut-il être trop queer ? Autrement dit, trop en dehors des normes (imposées par la société), ouvertement gay friendly, LGBTQ ? Non, mille fois non. Enfin, ce n'est pas vraiment l'avis des commissions états-uniennes. Alors que l'on peut actuellement rattraper dans nos salles une sulfureuse love story queer avec Adèle Exarchopoulos, celle-ci devrait se priver de toute une partie du public outre atlantique...
Ce film, c'est Passages, une histoire du triangle amoureux signée par le cinéaste américain Ira Sachs. L'histoire d'un couple gay - au sein duquel l'on retrouve le lumineux Ben Whishaw - dont la quiétude va se retrouver bousculée par l'apparition d'une jeune femme, Agathe. Celle-ci suscite la passion, en mode Jules et Jim, et très vite, c'est toute une vision du couple et de l'amour qui va devoir être réécrite. Pour le meilleur ?
>> Quel est le réseau social le plus toxique pour les personnes LGBTQ ? (ça va t'étonner... ou pas !) <<
On le devine au vu du pitch, Passages parle d'homosexualité, de bisexualité, de polyamour, de relations libres. Bref, c'est un film ultra moderne. Trop pour les Etats-Unis, où l'oeuvre se retrouve interdite au moins de 17 ans ! Plus qu'un choix, son réalisateur voit là une véritable "censure" contre le cinéma LGBTQ.
A-t-on peur des sexualités alternatives aux Etats-Unis ? Comprendre, de ces orientations existantes qui ne rentrent pas dans le cadre super étroit et normé de l'hétérosexualité ? Très certainement. En tout cas, on a peur des images anti-binaires que peut susciter toute cette réalité intime et subversive.
C'est clairement ce que déplore Ira Sachs dans les pages du New York Times : "Cette interdiction est une forme de censure culturelle assez dangereuse, en particulier dans une société qui lutte déjà, de manière aussi extrême d'ailleurs, contre la possibilité de proposer des images LGBT". D'une certaine manière, cette interdiction du film à toute une partie d'une jeune audience (qui, même accompagnée d'un adulte, ne sera toujours autorisée à voir le film) est pour le réalisateur une forme d'homophobie.
>> Mois des fiertés : ces films LGBTQIA+ qui ont changé la société <<
Pas juste "une forme" d'ailleurs. A en lire Ira Sachs, ce choix est "déprimant et réactionnaire" mais aussi "anti-gay, anti-progrès, anti-sexe". Les mots sont très forts. Mais ils expriment surtout une profonde détresse face au choix de rendre moins visibles des images qui ne se cantonnent pas simplement au schéma homme/femme. Et ce alors que des succès foudroyants comme celui de Call me by your name ont déjà suggéré que toute une partie du jeune public était en quête de nouveaux modèles.
Mais cette interdiction pourrait-elle aussi s'expliquer par le caractère un brin trop sulfureux de certaines scènes ? Au magazine des cultures LGBTQ Têtu, Ira Sachs admet volontiers que Passages "est presque un film érotique, pas seulement à cause des scènes de sexe mais surtout parce qu'il se focalise sur les corps". D'un autre côté, le réalisateur voit surtout là une love story "qui explore la passion, la vie".
Et si on le rattrapait en salles pour se faire notre propre avis sur la chose ? Indispensable, ne serait-ce que pour retrouver Adèle Exarchopoulos, qui depuis Rien à foutre et Je verrai toujours vos visages revient en force comme la grande actrice qu'elle a toujours été. Juste une évidence.