Faut-il changer le foot ? J'aime ce sport plus que tout, mais je n'arrive plus à rester concentré devant les matchs (et je sais pourquoi)

Il y a quelques jours, en pleine promotion de la Kings World Cup - compétition de foot à 7 aux règles inédites qu'il a lui-même lancée, Gérard Piqué a soulevé des indignations de tous les côtés. La raison ? L'ancienne star du FC Barcelone a remis en cause l'une des caractéristiques uniques du football classique : la durée des matchs.

"Le football est en compétition avec Netflix, Amazon, YouTube, TikTok. Chacun a sa limite de temps, a-t-il expliqué auprès du Sunday Times. Le foot durant 90 minutes n'est plus aussi excitant". Et de prendre en exemple le comportement de ses propres enfants devant les matchs diffusés à la télé : "L'une des raisons pour lesquelles nous avons créé la Kings League est que j'ai vu mes enfants regarder un match de football, et après dix minutes, ils étaient sur leurs téléphones, leurs tablettes, en train de regarder autre chose."

Et s'il sait qu'il sera difficile de faire évoluer une telle durée (malgré une augmentation significative du nombre de rencontres depuis quelques années), il a bon espoir de voir ce sport implanter progressivement de nouvelles pour relever le spectacle : "Il faut trouver des moyens de marquer plus de buts, ou bien faire en sorte qu'une rencontre ne puisse pas se finir en match nul."

Forcément, quand bien même ces propos proviennent d'un ancien footballeur qui a tout gagné (Euro, Coupe du Monde, Ligue des Champions...) et tout connu de l'intérieur, ceux-ci ont vite fait polémiques. Sur les réseaux sociaux ou sur les plateaux télé, Gerard Piqué s'est retrouvé au centre de nombreuses critiques, moqueries et autres insultes de la part d'internautes ou intervenants qui assurent qu'il ne comprend rien. Pourtant, déso pas déso pour la question qui fâche : a-t-il réellement tort ?

A lire aussi : Netflix : les branques du club de foot anglais de Sunderland sont de retour pour une saison 3 qui sent bon la lose

Du haut de mes bientôt 34 ans, je suis véritablement le foot depuis l'été 2000 et le sacre de la France à l'Euro. Très vite, je me suis pris d'affection pour le club de ma région (le FC Nantes) et j'ai surtout développé un véritable amour pour le club anglais d'Arsenal. Pourquoi lui ? Tout simplement parce que Sylvain Wiltord venait de le rejoindre et je trouvais tellement injuste qu'on ne parle que du but de Trezeguet en finale face à l'Italie, et pas du sien qui nous avait permis d'atteindre les prolongations, que j'avais décidé de le suivre. Et 24 ans plus tard, je ne regrette pas ce choix et je peux vous dire que j'ai vécu ma meilleure vie quand Wiltord fut transféré au FC Nantes en 2011, même si c'était en Ligue 2. Mais bref, je m'égare.

Depuis toutes ces années, je suis donc un vrai passionné de foot et je consomme énormément de matchs. Peut-être trop, pour être honnête. En plus de suivre au quotidien le meilleur club de Londres et de garder un oeil sur ce qui se passe en Loire-Atlantique, je ne peux m'empêcher de regarder les rencontres des plus grosses équipes d'Angleterre (pour voir qui menace Arsenal), de m'intéresser à la Ligue des Champions (parce que tout le monde ne jure que par cette compétition, alors que je la déteste #RamenezUnFormatALAncienne) et de me caler quelques gros chocs dans les championnats étrangers. Et c'est sans compter sur le foot international.

Or, si j'aime toujours autant ce sport et que la simple pensée d'une grosse rencontre à venir suffit à m'exciter pour la journée/semaine (ça fait 15 jours que je ne fais que penser au Manchester City vs Arsenal de ce dimanche 31 mars 2024), je me suis surpris ces dernières années à... ne plus être un supporter/spectateur assidu. J'entends par là qu'il m'est désormais impossible de regarder un match (dans mon salon, pas en tribunes) sans faire autre chose à côté. De plus en plus souvent, selon les phases de jeu et selon le scénario d'une rencontre, je vais avoir très facilement tendance à regarder Twitter, Instagram et même à parcourir des pages Wikipédia de joueurs que je vois à l'écran. Je suis dorénavant incapable de me concentrer à 100% sur un match.

Alors forcément, étant donné que je suis le premier à râler auprès de ceux qui font ça devant des séries ou films, je me suis interrogé sur cette réalité. D'autant plus que, comme je l'ai dit, mon intérêt pour ce sport est toujours intact. Et finalement, au terme de cette réflexion, j'en suis ressorti avec deux raisons.

La première ? Il y a désormais trop de matchs. Ou tout du moins, trop de matchs à notre portée. Canal+, beIN, Prime Video, RMC Sport, L'Equipe TV, Eurosport... TOUTES les compétitions nous sont proposées, des plus grosses (Ligues des Champions) aux plus inutiles (La Saudi Pro League). Même les rencontres des sélections espoirs sont visibles. Certes, ce n'est pas une mauvaise chose en soi, car ça nous permet de suivre parfaitement les équipes, de ne rien louper et de découvrir de nouvelles choses. Mais dans le même temps, cette ouverture fait que l'on a perdu le caractère sacré d'un match. On en voit tellement partout, tout le temps, que regarder du foot est devenu une routine.

Même les gros chocs en LDC n'ont plus rien de très excitant tant on subit les mêmes chaque année. La preuve ce printemps avec le retour du fameux PSG vs Barça ou du tristement classique Bayern Munich vs Arsenal. Même Manchester City et le Real Madrid vont de nouveau s'affronter, un an après. Prenez les matchs amicaux des sélections internationales remplacés par la Ligue des Nations. On se tape les mêmes affiches qu'à l'Euro ou en éliminatoires, alors que l'on pouvait auparavant "voyager" avec des affrontements plus exotiques.

Aussi, il est difficile de s'enthousiasmer pour des affiches vues et revues, malgré les enjeux. Après tout, peu importe le résultat, on sait qu'il y aura une possibilité de revanche l'an prochain. Quand l'exception devient l'habitude, le plaisir est forcément différent.

La seconde ? Grâce à l'application My Canal par exemple, il est désormais très facile de regarder des matchs de Premier League en replay. Le meilleur concept au monde quand un match d'Arsenal est programmé le même jour qu'un anniversaire. Or, c'est avec ce mode de visionnage que j'ai pris conscience d'une triste réalité : sur 90 minutes, on ne voit finalement pas autant de foot qu'on l'imagine. Grâce au replay, on a en effet la possibilité de faire "avance rapide", ce qui nous permet de sauter tous les moments inutiles d'un match. Comme quoi ? Les 30 secondes perdues d'un gardien pour dégager la balle (alors qu'il est censé ne pas tenir le ballon plus de 9 secondes), les arrêts blessures (ou simulation) incessants, les petites fautes qui coupent le jeu, les touches interminables, les changements, les corners... Bref, ça ne s'arrête jamais !

Il y a quelques semaines, Arsenal affrontait Brentford en Premier League. Et plus que la victoire dans la douleur, c'est une statistique à la fin du match qui m'avait choqué : le ballon n'avait été mis en jeu que 49:26 minutes sur un total de 105 minutes (temps additionnel compris). Traduction ? Moins de 50% du temps ! C'est à la fois fou et absurde. Et ça explique pourquoi il est finalement logique de se désintéresser ponctuellement d'une rencontre quand les acteurs sur le terrain sont les premiers... à ne pas jouer.

Alors, est-ce que les idées de Gerard Piqué sauveront le foot ? Peut-être pas. En revanche, j'estime important que l'on arrête de prendre ce sport pour acquis quand, à priori, il existe des raisons de l'améliorer. Faut-il arrêter le chrono comme au rugby ou handball ? Faut-il changer la règle du hors-jeu pour espérer plus de buts ? Faut-il obliger les arbitres à sanctionner davantage (avec des cartons) les gains de temps ? Il existe forcément des solutions. Donc oui, comme Piqué, j'espère que les instances se pencheront réellement sur la situation. J'aime trop ce sport pour le voir perdre en intérêt...