Évoquer le viol à la télévision n'est pas chose simple. Si certaines séries s'en servent, malheureusement, comme ressort scénaristique, d'autres ont su mettre un tel drame en avant de la meilleure des façons comme ce fut le cas dans Unbelievable mise en ligne sur Netflix en septembre 2019. Mais peu ont traité le sujet avec autant de justesse que I May Destroy You, dont vous pouvez découvrir un nouvel épisode chaque lundi sur OCS.
Arabella est une jeune auteure. Après la publication de son premier roman qui a cartonné sur le web, elle est en train d'écrire son deuxième livre et doit rendre sa première ébauche le lendemain matin. Alors qu'elle doit écrire à tout prix, elle est victime du syndrome de la page blanche et décide de sortir boire un verre pendant une heure avec des amis. Le lendemain, elle se retrouve devant son ordinateur sans se souvenir comment elle est arrivée là. L'écran de son téléphone est cassé et elle s'est ouvert la tête. Après avoir remonté le fil de sa soirée, elle se rend compte qu'elle a été droguée et violée.
Si I May Destroy You sonne tellement juste, c'est parce que sa créatrice qui est aussi la scénariste, la productrice et l'actrice principale, s'est inspirée de son histoire pour l'écrire. En 2016, alors qu'elle écrivait la saison 2 de sa série Chewing Gum (elle a été récompensée d'un BAFTA de la meilleure actrice dans une comédie pour son rôle), Michaela Coel décide d'aller prendre une pause et de boire un verre. "J'ai repris conscience alors que j'étais en train d'écrire, plusieurs heures plus tard. J'ai eu de la chance. J'ai eu un flashback. Je me suis rendue compte que j'avais été agressée sexuellement par des étrangers" avait expliqué la star en 2018 lors du festival de télévision d'Edimbourg.
Très rapidement (dès son passage au poste de police, dit-elle), elle décide de s'inspirer de cette expérience pour sa nouvelle série. Un long chemin de guérison puisqu'elle a mis plus de deux ans pour écrire les 12 épisodes de 30 minutes de I May Destroy You. "Tout ce qui est cathartique est difficile mais c'était aussi glorieux. C'était horrible, sombre et sublime. J'ai pu réfléchir à cette douleur ce qui signifie que j'avais survécu. Terminer, brouillon après brouillon et arriver à la fin, de façon assez métaphorique, trouver une sortie, était une magnifique expérience" a confié Michaela Coel au site de la Royal Television Society.
Avec I May Destroy You, Michaela Coel signe la série la plus forte et impactante de ce début d'été, voire même de cette première partie d'année. Avec intelligence, la série explore les traumatismes d'un viol mais surtout ses conséquences sur Arabella et comment la jeune femme va tenter, petit à petit et avec l'aide de ses amis, de se reconstruire. Ici, le mystère de l'identité du violeur n'est pas au centre (même s'il est évidemment traité). C'est bien la façon dont Arabella va vivre ce drame qui est l'objet de la série. La caméra nous emmène donc au plus près d'elle, de ses moments forts et de ses failles, le tout avec un humour décapant et une interprétation bluffante de Michaela Coel.
Mais I May Destroy You s'intéresse aussi à d'autres sujet forts. Au fil des épisodes, la série évoque aussi les inégalités, la sexualité dans son large spectre, l'addiction aux réseaux sociaux, le militantisme, les violences sexuelles de toutes formes ou le féminisme. Une façon aussi de nous ouvrir les yeux sur notre société et ses failles. Bref, une série essentielle pour tous.