Alors que Harry Potter et la coupe de feu fêtera ses 20 ans d'existence l'année prochaine (oui, ce calcul est réel) un autre anniversaire bien moins glorieux quant à lui se murmure chez les Potterhead (les fans du sorcier et de son univers), à savoir les huit ans de Les animaux fantastiques, premier épisode d'un nouveau monde foisonnant.
Jusqu'à hier soir, je n'avais encore jamais vu ce film. Cependant, je me souviens que lorsque le premier volet des Animaux fantastiques a débarqué en 2016, l'attente était folle. A l'époque, cela faisait cinq longues années, que l'on n'avait pas revu un Harry Potter en salles obscures. Le projet était ambitieux et naturellement très risqué. Mais pas seulement : il promettait l'innovation. A savoir, de nouveaux personnages - bien que leur lien avec les "anciens" soit étroit - et de nouvelles créatures dans un monde riche exigeant d'être exploré.
Seulement voilà, si je sais que cette mise en bouche fut assez bien accueillie (une critique française positive en tout cas) les deux suites et nombre de fiascos terribles ont achevé d'associer pour de bon cette trilogie à un flop artistique, un irrespect de la fanbase, parcouru d'absurdités et incohérences multiples, bref : quelque chose qui ne mériterait pas d'être évoqué quand on aborde l'univers Harry Potter. Mes ami(e)s qui ne loupent jamais les rediffs des aventures du gamin à la cicatrice me confirment cette très sale réputation. A raison ?
J'ai voulu savoir si Les animaux fantastiques méritait ce désamour flagrant. Je suis donc allé le découvrir lors d'une séance rétro au MK2 Bibliothèque - qui propose depuis des mois, chaque dimanche soir à 20h, le visionnage d'un Harry Potter. Et j'ai été carrément surpris par ce rattrapage : et si c'était limite mieux que "HP" ? Je m'explique...
Bon, entendons-nous bien : quand je dis "mieux que Harry Potter", je veux dire... Mieux que les 4 derniers films en tout cas - le septième étant divisé en deux longs-métrages. A mes yeux, la saga devient atroce à partir de L'ordre du Phoenix. Pourquoi ? Je retiens mon souffle : les acteurs jouent de plus en plus mal, la photo rend hommage à la Bretagne avec ses tonalités grisâtres à se tirer une balle, c'est incompréhensible pour qui n'a pas lu les romans, la féerie est aussi morte que les rêves de jeunesse des fans devenus grands.
>> Les concerts, ça me saoule : merci Pierre de Maere de m'avoir fait changer d'avis à 30 ans ! <<
Un cauchemar interminable qui n'a plus de magique que le nom. Aussi quand je m'apprête à découvrir une déclinaison opportuniste de cet univers, mes attentes sont plus basses qu'un elfe de maison. Et là, dès la première scène des Animaux fantastiques, c'est l'étonnement : du rythme (ce qui manquait à la franchise depuis 2007), des idées, des couleurs, de l'émerveillement, de l'humour (ça aussi, ça manquait !)...
Et pas que.
Ce qui me frappe d'emblée, c'est l'apport d'un comédien comme Eddie Redmayne (Une merveilleuse histoire du temps). Je trouve que c'est un acteur britannique d'une présence irréelle, constamment troublant, comme en décalage, à la fois physiquement, et en terme d'acting. Cette perturbation qu'il parvient à développer avec un jeu pourtant très minimaliste convient totalement à ce monde polymorphe où se côtoient sorciers, "moldus" (simples mortels comme vous et moi) et... Bestiaires infinis de fabuleuses bestioles, donc.
Grosso Modo, Eddie Redmayne déroute dans un univers qui a précisément pour but de produire le même effet. Comédien aussi fantastique que ses animaux, d'autant plus que les acteurs principaux de la franchise "HP", bien qu'attachants, ne méritaient pas forcément des Oscars pour leurs performances. Dans le genre "produits dérivés" mercantiles d'une oeuvre à succès, Redmayne me convainc bien plus dans ce film que Timothée Chalamet dans Wonka, comédie musicale par ailleurs très chiadée et agréable.
Mais je ne vais pas vous parler trois semaines de cet acteur - juste vous conseiller de jeter un oeil au thriller Netflix Meurtres sans ordonnances, où il excelle. Car sa consoeur Katherine Waterston ne démérite pas non plus, dans un rôle pourtant un brin antagoniste qui de prime abord ne suscite pas la plus grande sympathie. Ils forment un très bon duo, complété par le "moldu" Dan Fogler. Les décalages comiques qu'amènent leur bande m'a renvoyé à d'autres histoires jeunesse, comme celles du génie britannique (encore un) Roald Dahl, immense romancier à qui l'on doit Charlie et la chocolaterie, Sacrées sorcières, Matilda, James et la grosse pêche.
Des acteurs charismatiques, un tempo abouti, une fausse insouciance qui contraste avec le ton ultra dark des derniers Harry Potter, d'accord... Mais ce premier Animaux fantastiques est aussi une fable : un conte fantaisiste sur la cause animale. Certaines répliques du protagoniste appuient cette dimension riche de sens. A ce titre et toute proportion gardée, on pense à certains Miyazaki, délivrant un discours analogue et tout public.
Film loin d'être si "bête" donc. Hélas, la suite s'annonce moins radieuse. Par-delà la réputation atroce des autres opus, et les choix de cast extrêmement peu lucides de la franchise (Johnny Depp et Ezra Miller, synonyme de violences conjugales pour l'un, de violences physiques - notamment - pour l'autre) rattraper tout Les animaux fantastiques, c'est aussi donner de l'intérêt à sa scénariste, J.K. Rowling, qui assume de plus en plus ses positions anti-trans.
Effectivement, alors que j'écris ces lignes, la romancière a posté il y a peu des photos de criminels transphobes sur ses réseaux sociaux afin de discréditer une loi écossaise qui sensibilise aux discriminations transphobes. De quoi susciter l'indignation d'Emma Watson, qui s'est toujours opposée aux propos "polémiques" de J.K. Rowling. Mais pas de quoi me pousser à mettre en lumière les créations plus actuelles de la scénariste.
Et à lui accorder une attention que, certainement, elle ne mérite pas tant que ça...